Pour ceux qui il y a plus d’un quart de siècle ont découvert le jeu de rôle, le dessinateur Olivier Ledroit est le dessinateur des Chroniques de la Lune Noire, une fresque épique et fantastique qui raconte une campagne titanesque de jeu de rôle scénarisé par François Marcela-Froideval, fondateur du club de la rue d'Ulm et du mythique magazine de jeu de rôle Casus Belli. Dans cette geste sont immortalisés des personnages devenus légendaires dans le microcosme rôlistique, de Wismerhill en passant par Pile-ou-Face ou l’incontournable Ghorghor Bey, le demi-ogre.
Voir ce talentueux dessianteur, grand défricheur des mondes imaginaires, s’associer à Thomas Day, l’inventif auteur de l’excellent
Instinct de l'équarrisseur ou de
la Voie du sabre, ne pouvait qu’éveiller notre attention et la superbe couverture de ce premier tome rendait dores et déjà cet album incontournable…
Il était une fois Wika, fille du duc Claymore Grimm et de la duchesse Titania, couple féérique. Alors que le prince Obéron, ancien amant de Titiana mène l’assaut contre le château Grimm, la duchesse confie sa fille unique à l’un de ses dévoué serviteur. Après avoir sectionné ses ailes, ce dernier la confie à un couple de fermier où elle grandira à l’abri des regards et de la traque morbide engagée par Obéron.
Treize années passent et Wiki, éprise de liberté, quitte la ferme qui l’a vu grandir pour se rendre à la capitale d’où Obéron poursuit sa lutte acharnée contre les fées. Là, elle rencontre un jeune et séduisant voleur qui l’initie à la vie citadine. Peu à peu ils vont devenir amants alors que d’immenses pouvoirs semblent s’éveiller chez Wika, révélant peu à peu sa nature féérique et éveillant l’intérêt du tyran Obéron et de ses sbires…
Difficile de rester insensible au trait baroque et reconnaissable entre tous d’Olivier Ledroit. On se souvient bien sûr du formidable portfolio
L'univers féerique superbement édité par Daniel Maghen. Mais dans cet album, il mêle de façon inextricable la féérie au steampunk, tant dans ses personnages que dans ses décors fourmillant de détails, distillant à chaque planche magie et poésie. Il nous fait montre une fois encore de son talent d’illustrateur et sait, pour les besoins du scénario, adopter un style plus caricatural pour donner un savoureux relief à une réplique caustique ou une situation cocasse… Le cahier graphique qui complète l’album donne à voir de superbe dessins, à commencer par cette esquisse de la cité d’Obéron dont mille et un détails se révèlent et émergent de ce qui ne semble qu’être une simple crayonné jeté sur une feuille. Tout simplement sublime…
Le scénario de Thomas Day a été développé dans le creuset des contes et le romancier et scénariste semble avoir pris un malin plaisir à les mélanger de façon originale. Empruntant tant aux légendes médiévales qu’à William Shaekspeare ou aux contes traditionnels, il crée l’univers sombre et féérique du monde de Pan qui servira d’écrin à son conte cruel. Ses personnages, magnifiés par le dessin d’Olivier Ledroit, sont particulièrement intéressant, des adjuvants aux adversaires en passant par la Némésis de Wika, le sinistre Prince Obéron et ses inquiétants et charismatiques séides…
Si la tête d’affiche était prometteuse, force est de reconnaître que l’album répond à nos attentes, tant par le graphisme délicieusement baroque d’Olivier Ledroit que par la création narrative envoûtante de Thomas Day. Rehaussé par un somptueux cahier graphique et introduit par le célèbre elficologue Pierre Dubois (excusez du peu), Wika et la fureur d'Obéron ravira les amateurs d’univers sombres et oniriques amplis de magie, de fureur et de sang…