

Avec Wilfrid Lupano, il y a quelque chose de routinier dans chacune nouvelle série. Il y a tout d’abord un excellent scénario, superbement découpé, finement dialogué et non dénué d’humour. Ensuite, il confère à ses albums une dimension humaine saisissante, avec des personnages tout en nuances. Enfin, il s’entoure à chaque fois d’un dessinateur époustouflant dont le talent éclate avec les planches de la série… Et vous obtenez au final un petit bijou du neuvième art… Avec
L' Homme qui n'aimait pas les armes à feu Wilfrid Lupano s’attaque au western et cette nouvelle série ne déroge en rien à la routine…

L’action de la série s’amorçait en Arizona dans un XIXème siècle agonisant... Maître Byron Peck, un pied-tendre britannique, œuvre comme avocat d’affaire. Par hasard, il va découvrir et perdre presque aussitôt des documents qui pourrait bien changer l’histoire des encore jeunes Etats-Unis d’Amérique… Mais il n’est pas le seul à convoiter ce précieux document. Margot de Garine, aventurière sans foi ni loi, est elle aussi prête à tout pour conserver ces paperasses et le revendre aux industries d’armement qui lui en donnerait une petite fortune pour se l’approprier avant de le détruire au plus vite… Pensez-donc, des lettres signées de la main de James Madison, l’un des pères fondateur des Etats-Unis d’Amériques, et dans lesquelles il affirme que le second amendement était une grave erreur! De quoi bousculer de fond en comble la constitution de ce jeune pays et mettre à mal les puissantes industries de l’armement qui firent fortune grâce à cet amendement!
Wilfrid Lupano s’empare des poncifs et des figures archétypales du western spaghetti pour mieux les détourner et écorner au passage le rêve américain en pointant ses zones d’ombres, de la condition des indiens à celles des noirs américains ou celle des femmes… Sans se départir de l’humour et du sens de la répartie qui le caractérise, le scénariste déroule son récit avec un redoutable savoir-faire tout en prenant le temps d’étoffer ses personnages, de Byron en passant par son étrange secrétaire et homme de main Knut Hoggaard, sans oublier bien sûr la délicieuse Margot de Garine, aussi belle que dangereuse… Ce troisième tome est dans la droite lignée des deux précédents : rythmé, puissant et jubilatoire!

Difficile, et à mon sens impossible, de rester insensible au trait semi-réaliste de Paul Salomone dont le premier tome de la série fut, aussi hallucinant que cela puisse être, son premier album! Ses planches sont découpées avec précision et foisonnent de détails sans se départir de leur remarquable fluidité. Son travail sur les personnages et leurs expressions est particulièrement impressionnant. Les trognes des protagonistes et leurs poses très théâtrales, sont incroyablement expressives et appuient à merveille les dialogues truculents ciselés par Wilfrid Lupano. Le décalage entre des décors fouillés et réalistes et des personnages délicieusement caricaturaux confèrent toute sa saveur à cette superbe mise en scène de ce jeune et très prometteur dessinateur qu’est Paul Salomone.
Scénariste et dialoguiste hors pair, Wilfrid Lupano signe avec L' Homme qui n'aimait pas les armes à feu un western drôle et inventif qui évoque et dénonce le second amendement de la constitution américaine. Porté par le graphisme élastique de Paul Salomone, cette série mérite de figurer en bonne place chez tout amateur du neuvième art, tant pour son scénario captivant et déjanté que par le message sous-jacent… Un petit chef d’œuvre dont on attends la suite (et fin) avec une très vive impatience !