D’Encre et de Sang nous entraîne dans le Bruxelles occupé des années 40, alors que l’ombre du nazisme faisait plane, menaçante, sur la capitale belge.
Katja Schneider est une journaliste d’investigation d’origine officielle venant travailler au quotidien le Soir, fer de lance de la propagande pro-allemande. Ayant rejoint l’O5 à la mort de son fiancé déporté et fusillé par les nazis, elle tente d’approcher Léon Degrelle, journaliste influent et sympathisant nazi afin de le mettre hors d’état de nuire avant l’arrivée des forces alliées. Dans le Bruxelles occupé, elle va parallèlement couvrir une série de meurtres sordides perpétrés dans la capitale…
Gihef et Renaud nous proposent avec ce premier tome un récit fictionnel se déroulant dans un cadre historique rigoureux et finalement peu exploité. Lorsqu’on parle d’occupation, on songe au Paris déchiré entre résistance et collaboration. Avoir situé leur récit à Bruxelles permet d’explorer une part méconnue de la seconde guerre mondiale en prenant pour cadre une ville meurtrie qui a aussi beaucoup souffert de ces années noires. Les auteurs décrivent le poids écrasant de l’occupation tout en nuançant subtilement le tableau qui n’est en rien manichéen. Alors que les forces alliées font partout reculer celles de l’Axe, certains nazillons exercent leur dernières bribes de pouvoirs, comme pour exorciser la peur de l’épuration qui viendra, immanquablement, sitôt la capitale libérée. D’autres, plus humains, savent que leurs heures sont comptées mais n’en reste pas moins des hommes… Ce tableau clair-obscur rend le background cohérent, apportant toute sa crédibilité au récit. Le personnage de Katja, froide et distante, tout à son deuil, rappelle ces héroïnes hitchcockienne, à la fois tristes et sublimes…
La structure narrative de l’histoire est solidement charpentée. Alternant flashback et présent, elle confère au récit une intensité dramatique qui va crescendo au fil des pages. L’idée de mêler deux enquêtes parallèles dont on se doute qu’elles se rejoindront dans le second opus du diptyque impulse un rythme soutenu à l’histoire.
Le trait classique, élégant et sensuel de Renaud et sa mise en couleur directe portent avec efficacité ce récit historique.
Le dossier qui accompagne l’album revient sur le saisissant épisode du Soir, acte de résistance sublime et tragique, usant de l’humour et de la dérision comme d’une arme…
d'encre et de sang est un récit historique mêlant habilement fiction et réalité à la narration parallèle parfaitement maîtrisé et au dessin plein de sensualité…