Parmi les séries d’anticipation,
Urban tient incontestablement le haut du panier. Sorti de l’imagination fertile de Luc Brunschwig et superbement dessiné par un Roberto Ricci particulièrement inspiré, cette série a profondément marqué les esprits et ce dès la publication du premier tome, lui-même remake d’un ancien projet avorté du scénariste (
Urban Games, édité chez les Humanos et mis en scène par Jean-Christophe Raufflet)…
Alors qu’était perpétré un terrible attentant qui a ravagé la cité de Monplaisir et fait de nombreuses victimes, le combat opposant Zacchary Buzz, membre de la populaire brigade d’élite des Urban Interceptors, à Antiochus Ebrahim s’est terminé avec la mort tragique du jeune Neil Colton, innocente victime du tueur à gage sans scrupules. Rongé par le remord, Zacchary Buzz a du mal à se remettre de la mort du jeune garçon dont il se sent responsable. Monsieur Fool, un temps ébranlé par l’attentat perpétré dans la cité dont il est le grand ordonnateur retrouve pied dans les bras d’Ishrat qu’Alice a engagé pour prendre soin de lui…
Plus sombre encore que les précédents,
Que la lumière soit... , troisième tome de la série, est une fois encore un excellent album pour une série qui ne l’ai pas moins. La structure narrative de ce présent opus est redoutablement efficace. Les auteurs redoublent d’ingéniosité pour dérouler une historie incroyablement rythmée tout en étoffant le contexte foisonnant de la cité de Monplaisir. De révélations en révélations, le suspens va crescendo pour un final glaçant… Et, malgré un récit extrêmement dense et tendu, Luc Brunschwig prend le temps, l’espace d’un flashback, de revenir sur l’enfance de Zacchary, l’un des seuls personnages fondamentalement bon qui va voir ses certitudes s’effriter alors que ses illusions vont voler en éclat… Monsieur Fool, personnage étrange et tourmenté qui peine à se lier avec d’autres êtres humains, lui aussi ébranlé par les récents évènements, apparaît dans toute sa complexité…
Pour mettre en image cette fantastique et captivante anticipation, il fallait tout le talent de Roberto Ricci, virtuose dessinateur italien révélé par les
Âmes d'Hélios et qui signe avec cette série rien de moins que son chef-d’œuvre. Son dessin, fourmillant de détails, est en parfaite osmose avec l’histoire concoctée par Luc Brunschwig.
Plus qu’en osmose même, son dessin paraît comme une évidence. Il y a entre son trait, la somptueuse mise en couleur et le scénario nerveux et incisif une incroyable alchimie qui confère à l’ensemble sa force et sa cohérence… Son sens du cadrage renforce la densité dramatique de l’intrigue et le résultat est tout simplement époustouflant!
En dévastant Monplaisir, l’attentat terroriste a mis en lumière ses zones d’ombre. Derrière le décor de carton-pâte de cet immense parc de loisir où les travailleurs viennent s’amuser pour oublier leurs tristes conditions apparaît une société où l’humain n’a guère sa place, sauf en tant que consommateur… Luc Brunschwig et Roberto Ricci signent un album encore meilleur que le précédent qui avait déjà placé la barre haute. L’intrigue de cette série d’anticipation glaçante et froidement réaliste se densifie et se complexifie, pour notre plus grand plaisir… On sentait avec le premier tome qu’Urban était doté d’un formidable potentiel… Ce troisième tome nous fait comprendre qu’on était encore très en deçà de la réalité…