Ce n’est pas la première fois que Richard D.Nolane s’empare du personnage historique de Vidocq pour tisser une fiction historique puisque ce personnage de bagnard devenu chef de la sureté apparaissait déjà dans
Alchimie mis en images par Olivier Roman…
Paris, automne 1813. La désastreuse campagne de Russie fait vacillait l’Empire. Deux ans plus tôt, Vidocq, ex-bagnard, est nommé à la tête de la Sureté, une brigade composée de criminels repentis, crée pour l’occasion. Les succès de la Sureté attisent la haine que nourrissent certains policiers de la Préfecture à l’égard de cet ancien bagnard aux méthodes bien peu orthodoxes.
Lorsqu’un Baron d’Empire se suicide au pistolet dans le chœur de Notre-Dame, c’est tout naturellement Vidocq qui est appelé sur les lieux… Rapidement, il s’avère que ce retentissant fait divers cache une affaire bien plus complexe qu’il n’y parait…
Pour les moins jeunes, Vidocq évoque cette série rocambolesque,
Les Nouvelles Aventures de Vidocq, avec Claude Brasseur dans le rôle-titre et dont Serge Gasinbourg signa la BO. Les plus jeunes auront sans doute découvert le personnage dans le navet numérique sortit au début des années 2000 dans lequel Gérard Depardieu endossait le rôle du chef de la Sureté.
Le scénario concocté par Nolane nous immerge avec talent dans l’époque troublée qui suivit la désastreuse campagne de Russie qui vit la Grande Armée s’enliser dans les plaines enneigées et perdre, presque sans combattre, sa légendaire invincibilité… L’enquête permet au scénariste de poser son personnage et de mettre en exergue les rancœurs que son succès horripilant ne manque pas de lui attirer. L’histoire de ce baron d’Empire, lui-même ancien forçat, qui se suicide au cœur de Notre-Dame va s’avérer être une enquête suffisamment tordue pour que seule la sagacité et l’esprit d’observation et de déduction de Vidocq permettent d’y voir clair… Son personnage complexe et ambivalent dont l’œuvre littéraire, biographie comprise, va poser les bases du roman policier, est parfaitement rendu dans l’album…
Le travail graphique de Sinisa Banovic est saisissant. Il brosse un tableau du Paris du début du XIXème siècle particulièrement convaincant et immersif. Ses vues de la capitale sont de toute beauté alors que ces personnages, joliment costumés, sont particulièrement crédibles, à commencer par son charismatique Vidocq… On appréciera sa couverture, aussi efficace qu’élégante…
Une question reste en suspens cependant : pourquoi ne pas avoir intégré cette nouvelle série à l’excellente collection 1800, jubilatoire terrain de jeu pour scénaristes et dessinateurs? De l’époque en passant par l’intrusion de personnages littéraires (l’inspecteur Javert de Victor Hugo, ennemi juré de Vidocq comme il fut celui de Jean Valjean, lui-même ancien bagnard, dans
les Misérables), tout contribue pourtant à l’insérer dans cet élégant écrin qu’est 1800… un mystère de plus, donc…
Le Suicidé de Notre-Dame est le premier tome d’une série historique ambitieuse et prometteuse mettant en scène une figure emblématique de la police parisienne dont le personnage principal, certes historique, a tout du héros de roman. Alors que l’Empire commence sa lente agonie, Vidocq commence à écrire sa légende…
(*) :
extrait de la chanson du forçat de S. Gainsbourg