Avec un sticker mentionnant « le meilleur western depuis Blueberry », les auteurs avaient intérêt à ne pas s’être loupé. Après, avec deux pointures telles que Xavier Dorison et Ralph Meyer en tête d’affiche, on se doutait bien que la qualité serait au rendez-vous… Et le fait est qu’on n’est pas déçus!
Comme le nom de la série l’indique, le héros de l’histoire est un croque-mort. Jonas Crow, car tel est son nom, est engagé pour enterrer Joe Cusco, un ancien mineur devenu millionnaire. Mais lorsqu’il arrive à Anoki City pour y rencontrer la famille du défunt, quelle n’est pas sa surprise de le voir encore bien vivant, mais bien décidé à trépasser dans la nuit… Pour ne pas laisser sa fortune aux mains des vautours gravitant dans son entourage, il avale au cours de son dernier repas et à l’insu de tous, l’or qu’il a gagné à la sueur du front des mineurs travaillant pour lui. Lorsque ces derniers comprendront qu’il va partir avec son magot, il y a fort à parier que ce qui devait être un banal enterrement dérape…
Outre le nom des auteurs, ce qui séduit d’emblée, c’est cette magnifique couverture où l’on voit un inquiétant personnage à contre-jour, au bord d’une tombe, un vautour perché sur son bras. Superbement composée et magnifiquement réalisée, il est bien difficile de passer à côté sans être pris du besoin frénétique de feuilleter l’album… Et, dès les premières planches, on est conquis par le découpage impeccable de Ralph Meyer dont le trait nerveux et incisif fait une fois de plus merveille. On songe au dessin de Gir (alias Giraud , alias Mœbius) époque Mister Blueberry (qui apparait d’ailleurs en guest star). Bref, c’est magnifique et si le ramage est à la hauteur du plumage, on n’est pas loin du chef d’œuvre…
Venons-en donc au scénario concocté par Xavier Dorison qui prend le temps de poser son héros, façon impressionniste, par petites touches qui sont autant de répliques cinglantes. Son métier de croque-mort ne lui attire pas la sympathie de ses congénères mais lui assure sans nul doute une relative et salutaire tranquillité. Mais son attitude cynique et désabusée semble masquer un passé douloureux et un certain penchant pour tendre la main à son prochain nécessiteux. Un héros tourmenté à la Sergio Léone qui n’est pas pour nous déplaire…
Mais, malgré son charisme évident et ses sentences percutantes façon citation biblique, Undertaker n’est pas le seul personnage digne d’intérêt. La galerie foisonnante de second rôle n’est pas en reste, du mineur hystérique qui compte bien se faire payer de ce qu’il a laissé au fond de la mine au shérif peu scrupuleux en passant par une serviteur chinoise qui en a vu d’autres et une jeune femme bien plus complexe que son apparence d’honnête bigote pouvait le laisser supposer…
Et puis il y a ce scénario enthousiasmant, fertile en rebondissements, servi par des dialogues travaillés, et une mise en scène des plus soignée qui s’inscrit dans la lignée des (bons) western spaghettis… Vous l’aurez compris,
le Mangeur d'Or est une pépite!
Si les croque-morts font depuis longtemps parti du décorum des westerns, ils n’avaient jusqu’à maintenant jamais tenu le premier rôle. C’est chose faite avec Undertaker… Ralph Meyer et Xavier Dorison, que l’on avait déjà pu apprécier dans le remarquable Asgard, signent un western brillant (mais poussiéreux!) qui s’empare des poncifs du genre pour créer une histoire originale et très rythmée. Ce premier tome annonce un diptyque de haute tenue et, nous l’espérons, une série au long court des plus prometteuses… Amateurs de western, faite sans attendre un détour par Anoki City pour suivre un croque-mort atypique, vous ne le regretterez pas!