Glénat lance une nouvelle collection s’intéressant aux grands maîtres qui ont marqué l’histoire de la peinture et de l’art de leur indélébile empreinte. Mais plutôt que de s’attacher à écrire une biographie en image des peintres, l’idée de la collection est de s’attarder à décrire le contexte et les circonstances qui ont présidé à l’élaboration d’un de leur chefs d’œuvre..
1819. Alors âgé de soixante-treize ans, Francisco de Goya emménage dans une nouvelle propriété qui deviendra la Quinta del Sordo, la villa du sourd… Aigri et isolé par sa surdité, il porte un regard acerbe mais lucide sur les bouleversements qu’a connu l’Espagne et prend plus que jamais conscience de sa déchéance physique… Colérique et misanthrope, il va néanmoins nouer une relation étrange avec Rosario, fille de Leocadia Weiss, une des modèles qui vit avec le vieux peintre et subit ses sautes d’humeur. D’abord terrifié par l’artiste, la jeune fille va peu à peu se rapprocher de Goya et l’aider à surmonter sa solitude mortifère… Mais la santé de Rosario vacille et Goya la croit contaminée par son propre désespoir et sa sombre mélancolie… C’est dans ce contexte qu’il va peindre l’une de ses œuvres les plus dérangeante, le terrifiant
Saturne dévorant un de ses fils.
Francisco de Goya est un peintre d’une audace et d’une inventivité préfigurant le romantisme. Comme le souligne le dossier passionnant complétant l’album, il fut aussi l’un de ceux qui sorti de l’académisme pour peindre, tel un reporter, les guerres napoléonienne qui déchirèrent l’Espagne.
Saturno devorando a un hijo est la plus célèbre des Peintures Noires, fresques murales sombres et tourmentées dont il habilla les murs de sa demeure. Œuvres personnelles n’émanant pas d’une commande, elles auraient pu sombrer dans l’oubli si elles n’avaient été transférées sur toile pour être à présent exposées au musée du Prado.
Ce récit fictionnel décrivant la relation étrange et ambivalente qu’entretint Goya avec la fille de son modèle s’avère tout à la fois sombre, tragique et captivante, comme l’est l’oeuvre qu’elle aurait engendrée. Il règne sur l’album une mélancolie empreinte de romantisme sombre et tourmenté. Le portrait de ce peintre vieillissant isolé du monde de par sa surdité est saisissant, d’autant qu’il se dégage des planches de Benjamin Bozonnet une puissance évocatrice peu commune, témoin la planche inaugurale de l’album, inquiétante et superbe. Son trait charbonneux et sa mise en couleur discrète portent avec efficacité cet inquiétant récit d’Olivier Bleys…
Faisant parti des trois premiers titres de cette audacieuse mais prometteuse collection, ce Goya scénarisé par Olivier Bleys et magnifiquement mis en image par Benjamin Bozonnet décrit avec précision la relation étrange qui lie un peintre à sa toile, en retranscrivant ce qui a pu être le contexte de sa réalisation… Une œuvre puissante et inquiétante, à l’image du tableau qui l’a inspirée…