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Le rapport de Brodeck [1/2]
Le rapport de Brodeck



Fiche descriptive

Roman Graphique

Le rapport de Brodeck

Tome 1

Manu Larcenet (adpaté du roman de Philippe Claudel)

Manu Larcenet

Dargaud

10 Avril 2015


22€50

9782205073850

Chronique
Le rapport de Brodeck [1/2]
La noirceur de l’âme humaine

Manu Larcenet s'attaque pour la première fois à une adaptation, celle du chef-d'oeuvre de Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck. Mais lorsque l'auteur de Blast et du Combat ordinaire s'empare du texte, c'est pour le faire sien et lui donner une nouvelle vie, éclatante, sombre et tragique. Des pages d'une beauté stupéfiante, magnifiant la nature sauvage et la confrontant à la petitesse des hommes ; une plongée dans les abîmes servie par un noir et blanc sublime et violent. Un très grand livre.
un chef d'oeuvre!


La noirceur de l’âme humaine
Le rapport de Brodeck, planche du tome 1 © Dargaud / LarcenetAu fil de ses albums, Manu Larcenet n’en finit plus de se remettre en question, de prendre des risques et de nous captiver en sortant de ses sentiers battus, en explorant de nouveaux horizons, tant graphiques que scénaristiques. Avec le Rapport de Brodeck, il adapte le chef d’œuvre sombre et oppressant de Philippe Claudel, couronné du prix Goncourt des lycéens en 2007…

Un homme est mort. Un étranger. Assassiné par les habitants du village à cause de la peur qu’il inspirait. Brodeck, dont le métier est de faire des rapports sur l’états des forêts, des chemins et des rivières, est chargé par les villageois de rédiger un rapport détaillé, de consigner les faits, sans rien omettre et sans rien ajouter. Pour que les gens de la ville comprennent que l’Anderer (l’autre), comme le nommait les villageois, devait mourir… Revenu de l’enfer des camps, Brodeck va s’atteler à ce rapport… Mais a-t-il d’autre choix que de se plier aux exigences insistantes des villageois… On ne refuse rien à ceux qui ont du sang dans le cerveau…

Le rapport de Brodeck, planche du tome 1 © Dargaud / Larcenet« Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien ». C’est par ces mots que s’ouvre le roman de Philippe Claudel, une œuvre tourmentée qui aborde les rivages de la culpabilité, de la lâcheté et de la xenophobie avec une force peu commune et une écriture magistrale. Cette sentence qui tombe comme un couperet donne d’emblée le ton de cette œuvre dérangeante dont la noirceur attire au moins autant que celle des Âmes grises, roman du même auteur adapté au cinéma en 2004 par Yves Angelo avec en tête d’affiche un incroyable Jean-Pierre Marielle…

S’attaquer à un roman de cette envergure, en faire ressortir la noirceur et la poésie était un défi parmi les plus audacieux. Et le fait est que Manu Larcenet parvient à retranscrire cette atmosphère oppressante avec un talent désarmant. Ses planches en noir et blanc sont de toute beauté. La nature qu’il met en scène et criante de réalisme. Pour un peu, on entendrait même les oiseaux chanter ou le bruit des pas dans la neige… Son encrage envoutant évoque des gravures naturalistes et ses ombres charbonneuses font planer sur ce premier tome une menace sourde et indicible, de même que le visage buriné, fermé et inquiétant des meurtriers…
Le rapport de Brodeck, planche du tome 1 © Dargaud / LarcenetEt que dire de la représentation du camp où Brodeck fut déporté, tenu par des soldats monstrueux et gardés par des chiens décharnés dont les scènes insoutenables nous renvoient au Nuit et Brouillard d’Alain Resnais ou au Shoah de Claude Lanzmann. Même si de nombreuses références laissent à penser que l’histoire se situe dans un village isolé de l’est de l’Europe, une poignée d’années après la seconde guerre mondiale, on ignore tout des lieux et des dates où se déroule le récit. Ce faisant, en cherchant à se raccrocher à l’Histoire, le lecteur projette sur celle-ci les horreurs de la seconde guerre mondiale, renforçant ainsi, inconsciemment, la puissance évocatrice et la noirceur de celle-ci…

A noter que l’album à l’italienne, proposé dans un superbe écrin, a fait l’objet d’une édition particulièrement soignée qui renforce indéniablement le plaisir de lecture…

Manu Larcenet a commencé par nous faire rire avant de nous de nous bouleverser avec son Combat ordinaire et de nous bousculer avec l’époustouflant Blast…Avec le Rapport Brodeck, il nous entraîne à présent dans les sombres et inquiétants recoins de l’âme humaine avec un premier tome qui vous prend aux tripes… Ce roman graphique sublime et dérangeant qui, sous la forme d’un conte tragique et intemporel, invoque les spectres fantomatiques de la seconde guerre mondiale, est un chef d’œuvre puissant signé par un auteur qui ne cesse de nous étonner en se renouvelant à chaque album…
Le Korrigan




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