La Havane, 29 décembre 1955. Don Alessandro convié ses hommes de mains pour parler « affaires »… Mais un coup de fil vient interrompre ce repas. Le parrain est convoqué au bureau du président Batista. Il confie sa précieuse boite à cigares à son plus proche lieutenant… Celle-là même dont tout le monde sait qu’elle recèle un double fond rempli de diamants…
Règles et matériel
Alors bien sûr, l’habit ne fait pas le moine ni le costume italien le parrain… Mais force est de reconnaître que la boîte est superbe et son contenu pour le moins alléchant… Thomas Vuarchex a (comme toujours serait-on tenté de dire) fait un formidable travail… Figurant une boîte de cigare, la boîte, élément indispensable du jeu, est aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur. Outre un véritable double fond, et bien qu’il y manque quelques véritables cigares cubains, l’ensemble est joliment décoré, façon trompe l’œil… Elle contient outre de magnifiques diamants, des jetons de poker à l’effigie des lieutenants du Parrain…
Les règles (un livret de 8 pages pour 5 pages de règles) ont elles aussi fait l’objet d’une présentation soignée et immersive. Très aérées, elles s’avèrent très claires et leur lecture très fluide…
Contenu de la boîte : 15 diamants (en plastique, prends pas tes rêves pour une réalité), 10 jetons personnage (5 Fidèle, 2 Agents Infiltrés, 2 Chauffeurs et 1 Nettoyeur), 2 pions Joker (des bouteilles de Whisky… en carton, y’ des enfants), 1 sachet en feutrine et une (superbe) boîte à cigare…
Déroulement d’une partie
Mise en place
Le Parrain place dans la boîte de 10 à 15 diamants (sans en révéler le nombre) et les jetons Personnage dépendant du nombre de joueurs… Le sachet en feutrine est donné au joueur situé à la gauche du parrain, avec la précieuse boîte…
Phase 1 : le vol
A son tour de jeu, le joueur ouvre la boîte et prend secrètement connaissance de son contenu… Il
doit ensuite prendre soit un jeton Personnage, soit un ou plusieurs diamants… Suite à quoi il fait passer la boîte au joueur situé à sa gauche…
Le premier joueur
peut écarter un jeton personnage en le plaçant secrètement dans le sachet en feutrine.
Chaque joueur est obligé de prendre quelque chose (jeton ou diamant(s)). Seul le dernier joueur peut ne rien prendre… Toute personne recevant la boîte vide doit faire semblant de prendre quelque chose et devient automatiquement « Enfant des rues ».
Voilà, c’est tout, c’est fini… La partie peut commencer…
Phase 2 : l’Enquête
Le Parrain récupère sa boîte et en examine le contenu… Tout laisse à penser qu’il n’est pas content… mais alors pas du tout… Il va interroger (menacer) ses plus ou moins fidèles lieutenants pour trouver le ou les voleurs et leur offrir des chaussures en bêton avant de les inviter à faire trempette au large de Cuba… Libre à eux de mentir… ou pas…
Il peut demander à un joueur de vider ses poches, l’accusant ouvertement de vol. S’il se trompe, il lui donne une bouteille (joker), en guise d’excuse… S’il n’a plus de joker, l’enquête s’achève immédiatement et le Parrain est éliminé… S’il a raison, le joueur est éliminé (béton, batte de baseball, classique balle dans la nuque… l’histoire ne le dit pas). Petit détail (de taille) : un mort ne parle pas.
Fin de partie
Le Parrain remporte la partie (avec ses fidèles) s’il retrouve tous les diamants.
Un agent du FBI accusé remporte immédiatement (et seul!) la partie.
Si le Parrain est éliminé, le(s) voleur(s) ayant le plus diamant remporte la partie avec les Enfants des rues.
Le chauffeur gagne aussi si son voisin de droite est vainqueur.
l’Avis de la Rédaction
Les règles sont d’une simplicité biblique. D’ailleurs, en deux minutes, le temps à la boîte de passer de main en main, l’aspect purement mécanique du jeu est plié… Le reste est du domaine de la tchatche, du mensonge, des demie-vérité, de l’esbroufe, de la fourberie, du baratin voir du pipo (beaucoup)… Dès lors,
Mafia de Cuba n’est pas un jeu à mettre entre toutes les mains… C’est clairement le genre de jeu clivant qui aura ses farouches détracteurs et ses aficionados (autant le dire tout net, on fait partie des seconds!).
Les règles sont simples, aussi sobres que le matériel est beau. On pense immanquablement aux
Loups-Garous de Thiercelieu d’Hervé Marly et Philippe des Pallières. Mais, malgré un plaisir ludique assez proche,
Mafia de Cuba s’avère vraiment différent…
Pourquoi? Tout d’abord parce que les joueurs peuvent choisir eux même leurs rôles (quand ils ne décident pas de voler leur Parrain). Ensuite, parce qu’il existe des vrais mécanismes de déduction (certes parasités par les réquisitoires et plaidoyer de chacun). Enfin, parce que l’arbitraire démocratique qui pousse le peuple à désigner une victime expiatoire à chaque aube dans les LGdT est remplacé par la dictature du chef qui tranche, désignant seul le supposé coupable…
Certes, les derniers joueurs du tour voient leurs options réduire comme peau de chagrin… Mais les premiers sont les plus observés, les plus épiés… Le premier joueur est le seul (avec le Parrain) à connaître le contenu exact de la boîte… Le seul à connaître le nombre exact de diamants en jeu… Et puisqu’il peut escamoter un pion Personnage, le seul à connaître les personnages réellement en jeu… Les informations détenues par chacun sont de plus en plus ténues au fur et à mesure que la boîte passe de main en main… Mais la mémorisation du contenu de la boîte, et des révélations (vraies ou fausses par ailleurs) faites au bon moment pourront faire éclater des vérités… ou aider à construire de solides mensonges…
Les joueurs invétérés travailleront leur argumentaire en amont, au moment du choix, pour ne pas être pris au dépourvu quand le Parrain revenu (
) leur posera des questions, sourire aux lèvres et batte à la main...
Le jeu s’avère particulièrement délicieux en cela qu’il ressemble à un mini-murder-party, rapide et épurée. Chaque partie raconte une histoire (certes toujours la même, mais avec des variantes et des nuances qui la rendent unique) et les joueurs, avec quelques indices, tentent de tirer leurs marrons du feu, de jouer leur partition, en s’efforçant de faire peser les soupçons sur les autres joueurs…
Mafia de Cuba est clairement un jeu qui ne plaira pas à tout le monde. A l’instar d’une partie de JdR, si les joueurs y vont à reculons, le jeu tombera à plat… Mais si chacun y met du sien, une ambiance délicieuse et débridée s’installera et les parties seront réellement mémorables. Jouer à Mafia de Cuba procure les même délicieuses sensations et fous rire que les premières parties des Loups-Garous de Thiercelieu qu’on enchaînait sur un rythme frénétique, jusqu’au bout de la nuit…
On aime...
le matériel superbement immersif
les règles minimalistes
les fous rire et l’ambiance des parties
l’aspect murder-party light
On n'aime pas...
le jeu ne prendra pas avec tout le monde
l’absence de cigares et de véritables bouteilles de whisky