Parmi les nombreuses excellentes séries qui constituent le «Sherlockverse» développé par Sylvain Cordurié,
Sherlock Holmes Society est sans doute la plus aboutie. Dès le premier tome, le lecteur était happé par l’ambiance lourde et pesante mêlant habilement fantastique et personnages de Sir Arthur Conan Doyle et de Robert Louis Stevenson, pour notre plus grand plaisir…
Alors que beaucoup considérait comme mort après l’affrontement des Chutes de Reichenbach, Sherlock Holmes, revient aux affaires. Il a enquêté pour le compte de son frère sur les sinistres événements de Keelodge… Bien qu’écarté par Mycroft, il n’en poursuit pas moins son enquête après que le village ait dû être rasé corps et bien… Son enquête londonienne l’a entraîné à rencontrer un certain Edward Hyde, un homme répugnant et mystérieux qui semble être à l’origine du poison qui a été utilisé à Keelodge… Contre toute attente, les deux hommes vont s’associer…
L’enquête les oriente vers Ryan Shelvey, un éminent psychiatre qui, se sachant mis à jour, tente de faire éliminer Holmes et ses alliés… Lorsque le Docteur Watson est grièvement blessé par d’inquiétants psychopathes, Sherlock Holmes fait de cette enquête une affaire personnelle… Alors qu’Hyde semble parfois jouer sa propre partition, l’enquêteur met peu à peu à jour un complot sordide fomenté par une secte animée par de sombres desseins. Keelodge n’était qu’un galop d’essai, le pire est à venir…
A l’instar d’un épisode d’une bonne série TV, chacun des tomes de la série se termine sur un cliffhanger délicieusement frustrant qui confère au lecteur l’irrésistible envie de connaître la suite. Heureusement, chaque album étant confié à un dessinateur différent, les tomes sortent à un rythme soutenu. Malgré tout, le travail reste néanmoins très homogène et le trait d’Alessandro Nespolino (qui signe les dessins de
Crime Alleys, déjà scénarisé par Sylvain Cordurié) s’avère très proche de celui de Stéphane Bervas ou d’Eduard Torrents qui l’ont précédé sur les deux premiers tomes. Renforcé par une mise en couleur de haute tenue (signée Axel Gonzalbo, qui succède à l’incroyable Jean Bastide) jouant subtilement avec les éclairages, ses planches distillent une atmosphère sombre et pesante qui règne sur l’album et qui s’épaissit au fil des pages, en parfaite osmose avec le récit…
Le scénario concocté par Sylvain Cordurié se poursuit sur un rythme soutenu. Le célèbre enquêteur aura fort à faire pour enrailler le sinistre complot qu’il dévoile peu à peu, s’enfonçant chaque fois un peu plus loin dans l’horreur. Ces crossing-over mêlant des personnages tirés de la littérature populaire et fantastique du XIXème siècle s’avèrent encore et toujours jubilatoires. L’improbable association entre Hyde et Holmes s’avère pour le moins intéressante, de même que l’idée de la filiation entre le breuvage qui transforma le docteur Jekyll et le poison qui causa les ravages que l’on connait dans le village de Keelodge…
Les amateurs apprécieront l’évolution du célèbre détective du 221B Baker Street. Confronté à l’inimaginable, il continue à utiliser ses incroyables capacités d’analyse et de déduction pour démêler l’écheveau que constitue cette enquête. Sentant monter un sentiment d’urgence alors que Watson est entre la vie et la mort et que Londres est plus que jamais menacé, ce dernier n’hésite pas à recourir à la violence ou à l’intimidation pour parvenir à ses fins… Mais comment ne pas être profondément bouleversé par les derniers événements? Les monologues d’Holmes permettent de prendre conscience de ces profonds changements, tout en le suivant dans ses brillantes déductions…
La couverture, une nouvelle fois signée par Ronan Toulhoat (le dessinateur de
Block 109 et du
Roy des Ribauds qui mettra le quatrième tome en images) est une fois encore magnifique, imprimant d’emblée une ambiance mystérieuse et inquiétante à l’album… Celle du tome 4 s’avère d’ailleurs pour le moins troublante, introduisant une touche de steampunk dans un univers déjà foisonnant…
In nomine dei est un album très réussi qui mêle avec malice les univers de Doyle et de Stevenson sur fond de complot séculaire. Il prolonge le Sherlockverse imaginé par Sylvain Cordurié de façon saisissante avec un récit rythmé et solidement charpenté. Une fois encore, le scénariste nous tient en haleine jusqu’à la dernière planche, qui tombe comme un couperet, donnant corps à nos plus sombres pressentiments et laissant augurer d’une suite captivante. Décidemment, cette collection 1800 n’en finit plus de nous envoûter!
(*) extrait de London's Burning des Clash