Rob Davis conclut avec ce second volume son adaptation du chef d’œuvre parodique de Miguel de Cervantes…

Après moult péripéties, voilà que le grand et fier Don Quichotte s’en est retourné en son sien village. Mais sur place, il apprend qu’un malotru a osé coucher par écrit son épopée aventureuse en la transformant en bouffonnerie. Pour faire justice et nettoyer cet affront, le voilà qu’il remonte sur Rossinante, son fidèle destrier, suivit de son non moins fidèle écuyer, Sancho Panza. Las! Le succès du livre est tel que sa réputation l’a précédé et nombreux sont ceux qui souhaitent s’amuser à ses dépens…

Rob Davis signe une adaptation puissante et fidèle de l’œuvre de Cervantès. Il conserve son esprit baroque et résolument caustique. On suit avec un réel plaisir les frasques de cet homme dont l’esprit a vacillé à trop lire des récits de chevalerie. Inspiré par des idéaux dépassés, mû par un sens aigu de la justice, malgré les moqueries et les coups, toujours il se relève pour combattre encore et toujours, sans questions ni repos… Il va au-devant de nombreuse épreuves et affronte le terrifiant Chevalier au Miroirs et l’inquiétant Chevalier de la Lune, ami bien décidé à lui faire entendre raison en entrouvrant les portes de sa folie…

Mais un jour, il émerge de sa folie furieuse et la raison reprend le dessus. Il perçoit l’absurde de sa quête et s’excuse auprès de son fidèle ami et serviteur de l’avoir entraîné dans sa déraison… Sans sa passion pour la chevalerie qui l’animait et l’inspirait, sa santé s’étiole et il finit par rendre l’âme, abandonnant ceux qu’il avait entraîné dans son rêve chimérique…

Résolument moderne, cette adaptation met en exergue l’humour caustique de l’œuvre de Cervantès. Sa narration, portée par un trait épuré, est parfaitement maîtrisée. Avec une audace appréciable, l’auteur fait fi de l’historicité de l’histoire pour faire la part belle au ressentit. L’album est truffé de scènes et de personnages croquignolesques dont on peine à croire qu’ils fassent partie de l’œuvre originale! Et tel est pourtant le cas! Ce n’est pas un hasard si Terry Gilliam, ex- Monty Python, a voulu s’emparer de cette œuvre pour une adaptation cinématographique hélas avortée… Même les interventions impromptues de l’auteur lui-même sont authentiques! Rob Davis s’étant contenté de transposer les vertigineuses mises en abîmes du roman au neuvième art, avec un évident talent…

Rob Davis signe une formidable adaptation superbement éditée de l’œuvre de Cervantès, mettant en avant l’humour du roman en redonnant vie à ce chevalier errant qui préféra rêver sa vie plutôt que d’accepter de vivre dans le monde tel qu’il est… Comme le disait Brel, la folie suprême n’est-elle pas de voir la vie telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être?

Ce Don Quichotte est une œuvre forte et puissante, tout à la fois drôle et caustique, triste et sublime… Ce diptyque plein d’audace est indéniablement une réussite qui donne la furieuse envie de se replonger dans le roman de Cervantès ou de réécouter le chef d’œuvre que Jacques Brel lui consacra…