Signé Chloé Vollmer-Lo et Carole Maurel,
L’Apocalypse selon Magda est un album bouleversant de justesse et d’authenticité.
L’apocalypse annoncée il y a un an n’aura finalement pas lieu. Mais alors que tous sont transportés par un puissant sentiment de joie et d’allégresse, Magda, à la veille de ses 14 ans, est dévastée… Difficile de comprendre le désarroi de cet ado qui a pourtant à nouveau la vie devant elle…
Pour le comprendre, il faut remonter une année en arrière, au jour ou l’annonce de la fin de l’humanité et que le compte à rebours s’est enclenché, égrainant les jours qui la sépare de la mort… Magda décide alors de mourir sans regret, de vivre pleinement ces 365 jours avant la fin du monde…
Que feriez si vous connaissiez la date exacte de votre mort? Pire, si vous connaissiez la date exacte de la fin de l’humanité? Du haut de ses treize ans, Magda apprend soudainement que son existence à peine esquissée touche déjà à sa fin. A l’âge où l’on amorce sa mue vers l’âge adulte, Magda va n’avoir qu’une année pour le devenir avant de disparaître… D’abord timide et réservée, l’approche de la fin des temps va la révéler à elle-même. Poussée par ce sentiment d’urgence, elle va tout oser, embrasser, aimer, s’affranchir de la tutelle des adultes, tenter des expériences pour en connaître le goût et l’ivresse, vivre sa vie en raccourci, sans se soucier des conséquences…
Avec une rare justesse, Chloé Vollmer-Lo décortique la violence des émotions qui animent les ados, écartelés entre l’enfance et le monde des adultes, le contexte de fin du monde annoncé ne faisant qu’exacerber leurs sentiments, alors que le monde perd peu à peu ses repères… C’est beau, fort, poignant et bouleversant et la fin, tragiquement logique, s’avère tout à la fois triste et belle, éclairant d’un jour nouveau titre de l’album…
Le flashforward qui ouvre l’album le place dans une perspective savoureuse. Par ce truchement, le lecteur ne s’interrogera pas sur l’arrivée ou non de la fin de l’humanité, mais cherchera à connaître la jeune Magda et à comprendre l’enchaînement de faits qui l’on conduit à sa réaction étrangement tellement décalée dans l’euphorie ambiante… Alors que le compte à rebours égraine les jours qui nous séparent de la fin du monde, la scénariste dépeint avec réalisme la façon dont les gens abordent cette fin annoncée, tant d’un point de vue sociétal qu’individuel.
Le dessin semi-réaliste de Carole Maurel est une petite merveille d’élégance et de précision. Son trait épuré campe avec talent les personnages de l’histoire, à commencer par celui de Magda qu’elle met en scène avec tant de justesse qu’il est difficile de ne pas s’identifier à elle et de ressentir les troubles qui l’animent… On appréciera la mise en couleur, sobre, intimiste et pleine de finesse et la façon dont elles retranscrivent les saisons qui rythme le récit…
Porté par un dessin plein d’élégance, cette Apocalypse selon Magda est un récit poignant, sensible, intimiste d’une rare justesse. C’est peu dire que ce premier album de Chloé Vollmer-Lo est un petit bijou de simplicité et d’inventivité qui décrit avec précision les états d’âme d’une adolescente désireuse de vivre pleinement le peu de temps qu’il lui reste…
Un album grand public bouleversant de réalisme qui nous rappelle, pour paraphraser Wilde, combien il est important de vivre et non de se contenter d’exister…
(*) titre d’une superbe chanson écrite par Jean-Loup Dabadie et chantée par Serge Reggiani sur une musique d’ Alain Goraguer.