C’est peu dire que le premier tome du
Roy des Ribauds, formidable thriller médiéval, nous avait fait forte impression. C’est donc avec un enthousiasme jubilatoire que nous avons entamé la lecture de ce second opus…
Juillet 1194. Richard a gagné la Normandie pour y combattre Philippe Auguste désireux d’affaiblir les Plantagenêt. L’armée anglaise défait celle de France et ce n’est que grâce à l’intervention audacieuse du Triste Sir que Philippe Auguste peut regagner Paris, accompagné de ses proches conseillers.
Mais si le roi de France a perdu ses archives dans la bataille de Fréteval, le Roy des Ribauds semble avoir perdu ses principaux soutiens, livrant Paris à un mercenaire du Roi d’Angleterre surnommé le Rouennais, aidé par le perfide Ascelin qui s’est vendu à Aliénor…
Je pourrais commencer cette chronique en parlant de ce scénario rythmé, nerveux, sombre et inventif qui immerge le lecteur dans un thriller médiéval saisissant, à la lisière de l’histoire et de la fiction. J’aurais pu tisser des analogies avec le formidable Game of Thrones de George R.R Martin puisque à l’instar de cette série, le récit de Vincent Brugeas mêle habilement batailles épiques et luttes d’influence et de pouvoir dans un Paris transformé en champ de bataille… J’aurais pu souligner ses personnages charismatiques fouillés et complexes dotés de trognes acérées et de caractères trempés comme une bonne lame ou de la solide documentation sur laquelle il a construit ce récit choral parfaitement orchestré…
J’aurais tout aussi bien pu vanter les mérites du fantastique dessin de Ronan Toulhoat qui emprunte aux comics son vocabulaire graphique pour proposer des planches incisives et magnifiques dotées d’un découpage incroyablement dynamique, rehaussé par des cadrages proprement vertigineux… J’aurais pu vous parler de son formidable travail d’encrage, à la fois dense et contrasté, ou de la mise en couleur aussi subtile que soignée qui baigne le récit d’une lumière ténébreuse… J’aurais pu vous parler de cette reconstitution magistrale de ce moyen-âge fantasmé, sombre et violent, que les deux auteurs retranscrivent avec un évident talent…
Mais je préfère vous parler de cette atmosphère ciselée, sourde et oppressante, presque poisseuse, qui saisit le lecteur à la gorge et ne le lâche plus qu’à la fin de l’album… De cette ambiance incroyable que les auteurs parviennent à instaurer, à développer et à maintenir tout au long de ce second livre… De cette tension presque palpable qui se noue entre chacun des protagonistes, à commencer par celle entre le Roi de France et le Triste Sir, relation ambigüe et complexe faite de respect, de confiance et de crainte, comme si le Philippe ne pardonnait pas à Tristan d’avoir été un jour à sa merci…
Ce second Livre du Roy des Ribauds est meilleur encore que ne l’était le premier qui, pourtant, plaçait la barre haute. Graphiquement somptueux, narrativement impeccable, ce thriller médiéval n’en finit décidemment plus de nous enthousiasmer…
Son ambiance oppressante nous fait presque regretter d’arriver au bout de l’album tant on est pris par l’histoire chorale qui nous est contée par ces deux talentueux auteurs que sont Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat et délicieusement frustré de devoir patienter un an pour connaître la conclusion de ce premier cycle… qui, nous l’espérons, en appellera bien d’autres…
(*)référence à la missive que Maurice Druon prête à Mortimer dans ses
Rois Maudits.