Post Trauma referme un diptyque d’anticipation captivant qui plonge ses racines dans notre époque contemporaine où politiques et généraux se gargarisent fantasment sur la guerre propre alors que des pilotes de drones sèment la mort à des milliers de kilomètres de distance, causant des dommages collatéraux dans les populations civiles….

La province du Qinghai est à feu et à sang depuis qu’une rébellion menés par Yun Shao, chef de file d’un groupe d’intégristes catholiques a décidé de mettre fin à l’exploitation des ouvriers par les occidentaux. Pour préserver leurs intérêts et leurs sites de production, les européens appuient militairement les forces de l’ordre chinoises… Pour appuyer les troupes au sol, trois drones pilotés par des pilotes émérites qi vivent la guerre à distance et sèment la mort sans états d’âme.

Mais la guerre va se rappeler à leur bon souvenir lorsque le corps d’un jeune soldat mort au combat est rapatrié. La guerre n’est pas un jeu vidéo, mais une saloperie où des gens meurent, souvent pour préserver des intérêts économiques au mépris des populations qui souffrent...

Une bonne histoire c’est à la fois des personnages forts et un contexte dense et crédible. Avec Drones, Sylvain Runberg signe un récit froidement réaliste qui s’appuie sur un contexte géopolitique soigné. Au travers le personnage de Louise pilote émérite, le scénariste revient sur les névroses que peuvent engendrer des guerres à ce point déshumanisée que les victimes peuvent sembler virtuelles… Peu à peu, Louise perd tout jugement moral et se ferme à ses proches et à sa famille, ne vivant qu’au travers de son engin, sorte de prolongation d’elle-même… Le regard cynique et désabusé qu’il porte sur notre avenir n’aurait pas cet impact si notre époque contemporaine ne comportait pas déjà en elle les germes la perte des valeurs humanistes, sacrifiées sur l’autel du profit et de l’argent roi…

Le dessin semi-réaliste de Louis dépeint une fois de plus avec efficacité ce futur proche et inquiétant. Ses cadrages vertigineux et dynamiques confèrent un aspect cinématographique à l’ensemble, donnant au lecteur l’impression de suivre un excellent film d’anticipation, subtil et dérangeant…

Dans la lignée de Good Kill, film d’Andrew Niccol sortit en avril 2015, Drones dénonce ces guerres propres dont se gargarisent médias et politiques. En déplaçant un brin le curseur en situant l’action dans un futur proche, Sylvain Runberg et Louis signent un récit d’anticipation d’autant plus glaçant qu’il semble tragiquement crédible…