



Avec ce second chapitre du
Capitaine Perdu, Jacques Terpant achève le diptyque qu’il consacre à un pan méconnu de l’histoire de France, une époque où les français s’étaient implantés en Amérique
Hiver 1765. Conformément au Traité de Paris qui referme sept ans de guerre, la France s’apprête à abandonner aux anglais la Nouvelle-France, un large territoire où les français vivaient en bonne entente avec les tribus indiennes du sud du Mississipi.
C’est au capitaine Saint-Ange que revient la lourde tâche de négocier le retrait des soldats français. Mais les tribus indiennes ont noué avec eux de liens forts et certaines refusèrent la domination imposée par la couronne britannique qui les traitait avec mépris, les considérant comme un peuple soumis à son autorité… Les tensions entre tribus, jusqu’alors apaisées, refont surface alors que l’ombre de la guerre se profile...

Jacques Terpant signe un scénario d’aventure historique aussi passionnant qu’édifiant, mettant en lumière une page étrangement méconnu de notre histoire… Ne disposant que de peu d’informations sur le personnage éminemment romanesque qu’est le jeune Capitaine Louis de Saint Ange, l’auteur comble les lacunes historiques et tisse un récit entraînant dont l’évacuation de Fort de Chartres apparaît comme le point d’orgue. Mais la force du récit réside dans le contraste saisissant entre l’attitude des français vis-à-vis de la population autochtone et celle des anglais. Les uns les considérait comme des interlocuteurs de choix, traitant avec eux, sinon d’égal à égal, mais tout au moins avec respect alors que les autres débarquèrent en colons, toisant les indiens du haut de leur mépris et de leur arrogance…
L’ombre de Jean Raspail dont Jacques Terpant a signé de superbes adaptations (
Sept cavaliers,
Les Royaumes de Borée) plane sur ce diptyque, tant par la thématique délicieusement mélancolique du récit que par ce Pikkendorff emprunté à l’un des romans de l’écrivain qui traverse le récit… L’auteur s’y met lui-même en scène, prêtant ses traits à un personnage témoin des faits relatés dans ce diptyque…
Graphiquement, les pinceaux subtils de Jacques Terpant font une fois encore merveille. Son travail remarquable sur les paysages donne à voir et à ressentir ces immenses territoires qui servent d’écrin au diptyque…

Sublimés par une mise en couleur directe somptueuse, les planches de l’albums s’avèrent être de toute beauté, reconstituant une Amérique franco-indienne de façon saisissante et crédible…
Avec ce diptyque, Jacques Terpant signe un formidable récit d’aventure historique qui fait revivre l’espace de deux tomes un monde disparu, une époque étrangement méconnue où français et indiens vivaient en bonne entente sur un territoire vaste comme vingt états, et non ces « quelques arpents de neige » évoqués par Voltaire…
L’ombre de Jean Raspail plane sur ce diptyque mêlant personnages historiques et fictifs et somptueusement mis en image par un auteur dont les couleurs lumineuses n’en finissent plus de nous envoûter, reconstituant un XVIème siècle crédible et saisissant…