Après
Valmy et
Castillon, Thierry Gloris s’empare de la Bataille de la Bérézina, montrant comment elle s’inscrit dans la construction de la nation française…
Novembre 1812. La Grande Armée a entamé sa longue et funeste retraite et s’apprête à franchir la Bérézina, harcelé par les armées russes de Koutouzov, Tchtcagov et Wittgenstein…
De part et d’autre du front, Amaury de la Buissonnière et François Berget, deux amis que tout oppose, vont vivre cette incroyable bataille qui va se solder par une victoire à la Pyrrhus et sonner le glas de l’Empire…
Comme les deux premiers opus de cette ambitieuse série, force est de reconnaître que ce tome s’avère particulièrement bien pensé, replaçant de la célèbre bataille (qui résonne pour beaucoup comme une cuisante défaite) à l’échelle humaine…
Amaury de la Buissonnière et François Berget se sont rencontrés après la bataille d’Austerlitz qui vit s’élever le soleil de Napoléon. L’un officie comme médecin dans la Grande Armée, l’autre est un noble servant dans l’armée Tsariste et combattant l’Ogre Corse… Ils vont apprendre à s’apprécier, à s’estimer, alors qu’une solide amitié va naître entre les deux hommes que tout oppose… Leur échange épistolaire va retracer l’épopée napoléonienne, de Iéna à Eylau, de Friedland, de la paix de Tilsit à Wagram, de Eckmül à Essling, avec la campagne de Russie comme point d’orgue qui écorna violemment le rêve impérial…
Mais la force de ce récit est de montrer combien à cette époque l’identité française était à l’époque fragmentée, écartelé entre deux pôles diamétralement opposés. L’un incarné par les idéaux révolutionnaires et l’Empire, l’autre par les nobles en exils qui œuvrent au retour de la monarchie de droit divin en terre de France. La question de la légitimité des uns ou des autres est symboliquement présente dans le tandem formé par Amaury et François puisque la famille de l’un a racheté la Seigneurie de Billonnet, berceau de la famille de l’autre… Qui des uns ou des autres incarnent l’identité française? L’auteur offre intelligemment au lecteur matière à réflexion au travers de cette solide amitié unissant deux hommes d’honneur que tout semble opposer…
Andrea Mutti signe un album impressionnant de maîtrise. Porté par une solide documentation, ses planches immergent le lecteur dans cette époque de fureur et de sang. Son trait réaliste et son encrage soigné sont sublimés par une mise à couleur soignée signée Dimitri Fogolin. Composée et peinte comme une toile, la couverture d’Ugo Pinson est comme de coutume sublime…
A la manière des duellistes de Ridley Scott, les deux personnages principaux ne vont cesser de se croiser aux grès des batailles napoléoniennes. Mais une solide amitié remplace ici la rivalité des deux protagonistes du film…
En s’appuyant sur Amaury et François qui incarnent tant leur époque qu’une certaine idée de la France, le scénariste tisse un récit passionnant et symbolique de cette bataille funeste qui marqua le début de la chute de l’Aigle. En donnant un visage humain à cette tragédie de la Bérézina, Thierry Gloris continue de s’interroger sur l’identité française dans toute sa complexité, le tout porté par les dessins d’Andrea Mutti et les superbes couleurs de Dimitri Fogolin...