Jack Manini et TieKo nous invitent dans le Japon médiéval pour nous narrer le destin fictionnel de la descendante de Tomoe Gozen, l’une des rares femmes à avoir été samouraï et dont l’histoire est inextricablement liée à sa légende…
Alors que le Japon s’apprête à entrer dans une période sombre et chaotique, le village de Sayo est livré aux flammes et ses habitants massacrés par une bande de brigands… Elle ne doit sa survie qu’à l’arrivée inopinée du pirate Yoshinaka et de ses hommes… C’est du moins ce qu’elle croit…
La jeune femme a hérité du sabre de Tomoé, sa célèbre aïeule, intrépide guerrière qui deux siècles plus tôt fut la maîtresse du non moins célèbre Minamoto no Yoshinaka, samouraï, général et pirate qui fit tomber Kyōto et dont le soi-disant sauveur de Sayo serait le descendant…
Le pirate compte épouser la jeune femme pour qu’elle et lui réincarnent le couple mythique afin de tirer profit de l’aura de leur ancêtres pour, profitant du chaos de la querelle successorale qui s’annonce, devenir le maître de Kyoto…
Explorant les genres et les époques avec un savoir-faire évident, Jack Manini nous entraîne à présent dans le Japon médiéval historique pour un récit solidement documenté s’appuyant sur deux samouraïs ayant réellement foulé le sol du Japon mais dont l’histoire et la légende se mêlent de façon si inextricable qu’il est difficile de démêler les vrai du faux dans les récits qui furent fait de leurs hauts faits d’armes…
Avec le savoir-faire et le sens de la narration qu’on lui connaît, le scénariste tisse deux récits parallèles dont chacun est entraînant, impulsant par la même un rythme soutenu au premier tome de ce diptyque…
Le premier récit est celui qui va suivre le tumultueux destin de Sayo qui va être éduquée et instruite à l’art du maniement du sabre par les pirates pour la préparer à devenir l’épouse de Yoshinaka… Mais la belle rebelle va tomber amoureuse du fils de ce dernier, compliquant les desseins du bourreau de son village…
Le second s’inscrit dans la veine historique puisqu’il met en scène les prémices de la guerre d'Ōnin… Alors que les pouvoirs de l’Empereur devenaint de plus en plus honorifiques, le gouvernement était assuré par le Shogun. Sans descendant Yoshimasa désigna son frère comme héritier du shogunat des Ashikaga. Mais à la naissance d’un fils qu’il n’espérait plus, il revint tout naturellement sur sa parole et désigna son nouveau- né comme légitime héritier… Le kanrei Hosokawa Katsumoto et son beau-père le daimyo Yamana Sōzen (alias le Moine Rouge) vont prendre pour prétexte cette succession shogunale pour régler leurs différents… entraînant le Japon dans une guerre civile…
TieKo, de son vrai nom Thierry Cauquil, signe un album parfaitement maîtrisé. Son trait réaliste et énergique reconstitue avec minutie la période Muromachi alors que ses cadrages incisifs servent au mieux l’action. L’intéressant dossier historique complétant l’album est l’occasion d’admirer le talent de ce dessinateur dont on avait pu apprécier le travail sur
Hindenburg, adaptation du roman éponyme de Patrice Ordas et Patrick Cothias.
Jack Manini et TieKo signent un diptyque se déroulant dans un cadre historique précis, prélude la chaotique période Sengoku. Le scénariste a tissé un récit choral mêlant avec efficacité personnages historiques et fictionnels pour un récit d’aventure haut en couleur joliment mis en images par le trait énergique et réaliste de TieKo…
Le japon médieval, qu’il soit ou non teinté de fantastique, n’a pas fini d’inspirer les romanciers et scénaristes! Difficile de s’en plaindre lorsqu’il donne naissance à de passionnantes séries…
(*) L'Art de la guerre de Sun Tzu