Après avoir signé la brillante adaptation de l’excellent
Charly 9 de Jean Teulé, Richard Guérineau signe en solo un album se proposant de dépeindre le règne d’Henri III qui hérita de son frère défunt d’un royaume déchiré par les guerres de religion…
Lorsque son frère Charles IX meurt le 30 mai 1574, Henri abandonne sans regrets la couronne de Pologne pour ceindre celle d’une France où résonnent encore les atroces échos du massacre de la Saint-Barthélemy…
Beaucoup ne connaissent de lui que l’image d’Epinal d’un roi efféminé et de ses mignons, ses mœurs et ses frasques, estompant l’incroyable complexité politique et économique auxquelles il dû faire face en devenant, par les hasards de l’histoire, Roi de France…
Succéder au scénario à Jean Teulé était un pari audacieux dont l’auteur se tire avec tous les honneurs… A l’instar du romancier, il joue avec virtuosité les équilibristes entre la noirceur du récit et le burlesque de certaines scènes. Le style adopté par Richard Guérineau pour cet album souligne à merveille ces contrastes savoureux.
Délicieusement caricatural, tant dans les expressions de ses personnages que dans leurs attitudes parfois très théâtrales, son trait fait ressortir cet aspect grotesque avec une redoutable efficacité… S’inspirant de tableaux ou de gravures, il fait revivre la France du XVIe siècle avec force détails, immergeant le lecteur dans cette époque troublée où le roi devait jouer les équilibristes dans une France écartelée entre la ligue et les protestants.
Solidement documenté, son récit du règne d’Henri III et le portrait qu’il brosse de ce monarque s’avèrent en tous points passionnant et les audaces narratives auxquelles l’auteur a recours s’avèrent aussi impromptue que rafraîchissante… Surprenant plus d’une fois le lecteur, elles viennent casser le rythme du récit de façon délicieusement décalées… On y croise ainsi des extraits apocryphes de
l’Histoire de France en bande dessinée ou d’extraits de journaux de propagandes qui viennent préciser le contexte historique, des unes de tabloïdes ou des strips façon Hägar Dünor de Dik Browne colportant les potins et scandales qui agitent la cour ou des planches cartoons à la Morris racontant l’assassinat de Bussy…
La dernière scène où Pierre de L'Estoile et Michel de Montaigne s’efforcent de coucher par écrit l’assassinat d’Henri III nous fait entrer avec malice dans les coulisses de l’histoire, expliquant comment ont été immortalisés (et quelque peu arrangés!) les mots du roi à l’adresse du moine venu l’assassiner…
Avec cet album en tous points passionnant, Richard Guérineau, connu jusque-là pour sa formidable capacité graphique à explorer mille et un univers avec une redoutable efficacité, rajoute une corde de plus à son arc en devenant scénariste.
Avec humour et malice, son récit truculent du règne d’Henri III nous immerge dans une France ravagée par les guerres de religion, mettant en scène un monarque haut en couleur et tout en contraste… Eut-il été bon prince s’il eut rencontré meilleur siècle comme l’écrivit Pierre de L'Estoile, chroniqueur mondain de l’époque? A vous de juger…
Henriquet, l'homme reine est un album incontournable qui propose une formidable suite à l’excellent Charly 9… Incontournable pour tout amateur d’Histoire et de récits joliment orchestré…