



Christian De Metter poursuit avec
Rouler avec le diable son captivant et dérengeant récit, oscillant entre le polar sombre et le thriller psychologique…
Montana, U.S.A., 2008. Beatriz Brennan revient à la prison poursuivre ses entretiens avec l’homme dont elle doit dresser le portrait psychologique. Pour mieux le cerner, elle a demandé au F.B.I. l’accès à certains documents du dossier concernant son patient et elle s’est vu adresser un ferme et semble-t-il définitif, aiguisant sa curiosité et son envie d’en apprendre davantage cet homme au look de biker. Est-il le mythomane dont parle l’agent Harper du F.B.I.? A quel jeu trouble joue-t-il avec cette jeune psychologue? Quelle est la part de vérité, de mensonges et d’affabulations dans ses propos?
A partir de ses dires et sans pouvoir les confronter aux dossiers, Beatriz Brennan va devoir établir si l’homme, revendiquant la peine de mort, est ou non responsable de ses actes…

Christian De Metter fait montre de sa grande maîtrise des codes du polar noir alors que son trait et ses couleurs impressionnistes posent avec finesse et efficacité l’ambiance sombre et tourmentée de ce récit. Entre présent et passé, de scènes en scènes, il dévoile par bribe le passé réel ou inventé du supposé meurtrier, un personnage cabossé par la vie qui a dû avoir les pires difficultés à se construire, contraint de travailler contre ses convictions et pour le FBI et de s’inventer à chaque nouvelle mission d’infiltration une nouvelle identité, se perdant chaque fois un peu plus…
Si ce n’était ce cambriolage qui a dérapé, son pêché originel en quelque sorte, dans quelle mesure la vie qu’il a mené est-elle vraiment sienne? Aux yeux de tous et pour lui-même, il n’est personne, une coquille vide au service d’une cause à laquelle il ne croit pas, alors que ceux qu’il aime et qui comptent pour lui disparaissent corps et âmes, comme personne ne devait se souvenir de son passage sur terre…
L’auteur développe des liens étroits entre ce personnage ambigu et énigmatique et une part sombre de l’histoire des Etats-Unis. Après avoir intégré le Counter Intelligence Program (Cointelpro), le voilà devenu agent infiltré au sein du Biker Enforcement Team, organisme crée par le gouvernement américain pour lutter contre les gangs de bikers violents tels les Hells Angel… ou les Napalm’s Soldiers, un inquiétant gang arborant des insignes nazis que notre prisonnier doit infiltrer avec l’aide d’un biker « retourné » et d’un indic, le fameux Henry qu’il s’accuse d’avoir tué.

Par petites touches, certaines facettes de la personnalité ambigüe de ce personnage nous sont dévoilées, de ses remords à ses regrets, jusqu’au regard lucide, cynique et désabusé qu’il porte sur son action au sein du F.B.I…. et à la naissance de cette complicité entre lui et sa supposée Henry, sa supposée victime…
Avec un sens de la narration saisissant et un dessin virtuose, Christian De Metter nous entraîne une fois encore dans son univers, tissant patiemment une histoire captivante, nerveuse et tendue qui révèle le passé réel ou imaginaire d’un agent infiltré du FBI accusé qui s’accuse du meurtre de son collègue et réclame la mort.
Oscilant entre polar noir et thriller psychologique, No Body est une petite merveille de construction scénaristique qui hante et fascine durablement le lecteur, exerçant sur lui une fascination morbide et malsaine, à l’instar de son personnage principal dont on ignore jusqu’au nom…
Une série à la fois dérangeante et envoûtante digne des meilleure série TV…
(*) chanson des Doors