Avec finesse et sensibilité, Aude Mermilliod nous entraîne dans un roman graphique à la suite de trois personnages dont les vies vont se télescoper, pour le meilleur... et pour le pire...

Nice, un mois de juillet. Elsa, la vingtaine, est une brillante étudiante. Elle ne parvient pas à tourner la page d’une histoire d’amour qui se meurt et ne peut se résoudre à accueillir dans sa vie un homme qui pourtant lui plait et à qui elle plait…

Jean, la cinquantaine, travaille comme conducteur de train et a mis sa vie de voyageur entre parenthèse pour pouvoir s’occuper d’Alda, sa petite fille née d’une rencontre amoureuse sans lendemain…

Emile, 80 ans, est devenu sourd durant la guerre d’Algérie et ne supporte plus d’être enfermé dans son silence… Ce n’est pas la seule blessure qu’il a ramené de là-bas…

Très différents, les trajectoires de ces trois personnages vont s’entremêler…

Aude Mermilliod fait montre d’une grande maîtrise narrative avec ce récit choral à trois voix qui nous entraîne à découvrir trois personnages contrastés, complexe et extrêmement crédibles, sans oublier ce chien qui sert de fil rouge…

Difficile au départ de ne pas être horripilé par Elsa qui ne parvient pas à mettre un terme à une histoire d’amour et ne lui apporte que des tracas, alors même qu’une nouvelle histoire lui ouvre les bras et ne demande qu’à s’épanouir… L’histoire qui agonise est remarquablement mise en scène, avec son compagnon dont on ne voit pas le visage, comme s’il n’était déjà qu’un fantôme qu’elle peinait à laisser partir… Au fil des pages, on apprend à la connaître et à l’apprécier, parce qu’elle nous ressemble au final plus qu’on ne le pensait…

Père aimant et attentionné, le personnage de Jean qui a mis sa vie et sa passion de la mer et des voyages entre parenthèse pour s’occuper tant bien que mal de sa fille… Extrêmement touchant, il vit une relation houleuse avec la maman de sa petite fille et son tiraillement entre ses rêves et sa vie est remarquablement bien rendu… et trouve nécessairement un écho dans notre propre vécu.

Le personnage d’Emile est plus trouble, plus complexe aussi… Grand-Père soucieux du bonheur de ses proche, il vit sa surdité comme une prison qui l’empêche d’être réellement présent dans leur vie, de partager un quotidien dont il se sent exclu… Mais l’image de ce grand-père en apparence ordinaire est quelque peu ternie par ses idées racistes héritées d’un douloureux passé colonial et qu’il confie aux pages de son journal… S’inspirant de son propre grand-père, l’auteur parvient avec finesse à placer le lecteur dans la position d’un proche, déchiré entre un grand-père qu’il aime probablement et ses idées politiques nauséabonde qu’il ne peut que rejeter…

Aude Mermilliod signe un premier album parfaitement maîtrisé qui nous conte le destin croisé de trois personnages…

Chacun des d’entre eux semble écartelé entre deux pôles opposés. Elsa entre deux histoires d’amour, Jean entre ses rêves et sa fille, Emile entre son amour pour sa famille, la douleur du handicap et le racisme qui vient polluer sa vision du monde et ternir l’image du personnage…

Le dessin épuré de l’auteur est quant à lui est en parfaite osmose avec le récit intimiste qui décortique avec finesse et lucidité la complexité des rapports humains…

Eh ben… Y’a quand même des journées, hein… T’aurais pas pu prédire comment elles aillaient se terminer…Elsa