Parmi la dizaine de romans de Boris Vian, L'Automne à Pékin n’est certes pas le plus connu… On y retrouve pourtant le burlesque et la mélancolie qui traversent bon nombre des œuvres de cet écrivain-poète-ingénieur-musicien… Paul Brizzi et Gaetan Brizzi s’en emparent pour nous en livrer une adaptation personnelle pour le moins épatante…

Paris (?), dans les années 50. Angel et Anne sont deux ingénieurs qui cherchent tant bien que mal à décrocher un emploi à la mesure de leur talent. S’ils sont amis, ils s’avèrent être très différents. Si Anne est un opportuniste, Angel est un romantique persuadé que Rochelle est la femme de sa vie… Problème : Rochelle est la petite amie d’Anne qui n’en est pas vraiment amoureux d’elle…

Après avoir failli écraser l’étrange Cornélius Onte, ce dernier leur offre de le remplacer sur un chantier en plein désert d'Exopotamie où ils devront participer à la construction d’une ligne de chemin de fer parfaitement inutile…

Après leur excellente adaptation de la cavale du Dr Destouches, Paul Brizzi et Gaëtan Brizzi explorent l’univers de Boris Vian avec récit résolument absurde mais étrangement poignant… Si Boris Vian en avait fait à l’origine un roman, l’histoire pourrait fort bien être une pièce de théâtre… s’il était possible de construire les hallucinants décors, de ce désert incongru où a poussé un étrange hôtel-restaurant à ces ruines antiques!

Mais pour ce qui est des personnages, le fait est que Boris Vian a lâché la bribe à son imagination pour donner vie à une formidable galerie de personnages tous plus incongrus les uns que les autres : un dangereux chirurgien amateur de modélisme, un prêtre en mal d’ermite à convertir, un archéologue enflammé voyant d’un mauvais œil le chantier qui s’installe au-dessus du sien ou un chef de chantier prêt à tout pour mener à terme son chantier pharaonique aussi absurde qu’inutile, quitte à raser un hôtel qui se dresse sur le passage de sa voie ferrée…

Adapter en bande-dessinée un roman aussi décalé et loufoque que l’Automne à Pékin était un défi ô combien audacieux que seuls les frères Brizzi, sans doute, étaient à même de tenter…

Et le fait est qu’ils nous livrent un album graphiquement somptueux. Leur dessin vif et généreux et leurs couleurs lumineuses parviennent à retranscrire l’absurdité et la fantaisie de ce récit fleurtant parfois avec le surréalisme mais décortiquant la complexité des relations amoureuses avec une acuité féroce…

On retrouve dans cet album toute la verve de Boris Vian qui profite de cette fable burlesque et en apparence absurde pour régler gentiment ses comptes avec la bureaucratie, la religion et la connerie en générale…

Inutile d'ajouter que rien dans cette histoire ne concerne l'automne, ni PékinBoris Vian