Stéphane Piatzszek associe sa plume aux crayons virtuoses de Julien Maffre pour nous entraîner dans le Paris du Grand Siècle, à la suite du Grand Coësre, roi de la Cour Miracles…
Anacréon règne depuis de longues années sur la Cour des Miracles qui regroupent les plus fieffés coquins de Paris. L’âge et la fatigue aidant, il songe sérieusement à passer la main. Et qui mieux que Jean, son propre fils, pour prendre sa succession?
Voleur doué, Jean réussit avec brio le rite de passage qui fait de lui un membre de la confrérie des gueux. Mais n’est-il pas trop jeune pour prétendre à une telle charge? Sa fille, la Marquise, serait plus taillée pour le rôle mais as-t-on déjà vu les gueux confier leur destin à une femme?
En coulisse, la guerre de succession s’amorce alors que Louis le Grand prend ombrage du vieil homme qui se prétend roi, d’autant qu’il se dit qu’il aurait commandité le meurtre du Lieutenant Criminel… Les choses vont aller de mal en pis alors que Jean est arrêté et condamné à être roué…
Popularisé par Victor Hugo et sa sublime
Notre Dame de Paris, la Cour des Miracles n’a pas fini d’inspiré romanciers et scénaristes, tel Stéphane Piatzszek qui signe le scénario de cette enthousiasmante série. Avec force détails, le scénariste nous entraîne dans l’univers miséreux de la Cour des Miracles, régie par ses codes et ses lois… Des magouilles aux pots de vins permettant de faire libérer quelques voleurs imprudents jusqu’au livre de médecine qui confère au Grand Coëstre le pouvoir de guérison, sans oublier la faune interlope et très hiérarchisée qui constitue les sujets du roi des Thunes et sur laquelle Anacréon règne d’une poigne de fer… On se laisse d’autant plus facilement entraîner dans son histoire incroyablement rythmée que les dialogues, truffés de vocabulaire argotiques, sont truculents…
Dès le
Tombeau d’Alexandre, scénarisé par Isabelle Dethan (excusez du peu) Julien Maffre faisait montre d’un indéniable talent de dessinateur qui se s’est pas démentit avec le jubilatoire
Stern, western aussi jubilatoire qu’atypique écrit par son frère, Frédéric Maffre… Délaissant pour un temps l’ouest sauvage, il nous entraîne dans le Paris du Grand Siècle à la suite du Grand Coëstre… Ses planches sont de coutume superbes, portées par des cadrages redoutablement efficaces et un trait vif, nerveux et plein d’élégance. Il donne vie à une formidable galerie de personnage dotés de trognes expressives alors que la colorisation subtile de Laure Durandelle souligne à merveille l’ambiance de chacune des scènes…
Sa Cour des Miracles baigne dans la misère crasse mais pétille aussi de vie…
Le talentueux et éclectique Stéphane Piatzszek signe avec cette Cour des Miracles un scénario rythmé et entraînant qui ne laisse que peu de respiration au lecteur…
Car cet Anacréon, Roi des Gueux s’avère particulièrement enthousiasmant! Il laisse le vieux monarque en bien fâcheuse posture, bien que tout laisse à penser qu’il n’ait pas abattu toute ses cartes… La Cour des Miracles n’en subit pas moins une crise sans précédent dont le Lieutenant Général de Police Gabriel Nicolas de La Reynie pourrait bien profiter pour lui porter le coup de grâce…
Riche en action et en rebondissements, porté par le dessin virtuose d’un Julien Maffre très inspiré, ce premier opus de cette jubilatoire série feuilletonesque prévue en cinq tomes est indéniablement l’une des excellentes surprises de ce début d’année…
- Les mauvaises gens comme nous paient tout au prix fort. La peau de canaille coûte cher fils.
- Car elle est rare ?
- Regarde autour de toi au lieu de dire des conneries… Le monde n’est qu’un repaire de barbeaux.
- Car elle est libre.Dialogue entre Anacréon et son fils.