Difficile pour un chaland se rendant dans une librairie en juin 2017 de passer à côté de la superbe couverture du premier tome de
Sonora tant l’illustration de Nicolas Siner était superbe… Si en plus il était amateur de western, difficile de repartir sans… La couverture du second tome est elle aussi de haute tenue, rendant cette
Fièvre de l’or d’autant plus incontournable que le premier tome s’avérait particulièrement réussi…
1851. Maximilien Bonnot débarque à San Juan pour gagner la Californie… Mais contrairement aux autres migrants, il n’est pas venu ici mû par la fièvre de l’or mais avec un profond désir de vengeance chevillé au corps… Car s’il a quitté le vieux continent, c’est pour retrouver les lâches soldats qui ont froidement assassiné son frère sur les barricades des journées de juin de 1848… Le dernier sur sa liste est le Sergent Deat qui a, semble-t-il, changé de nom depuis les événements de Paris…
Après être parvenu à s’imposer comme le garant de l’ordre dans French Hill est en ébullition, le général de Freney prend prétexte l’assassinat d’un mineur et un viol pour pousser les mineurs à se débarrasser des Hounds… Ce faisant, il avance ses pions en vue du rattachement de la Californie aux Etats-Unis d’Amérique…
Pour parvenir à ses fins, Maximilien pourra compter sur ses « frères » carbonari et sur la belle Lola, maîtresse du Général dont il est devenu l’amant… Mais dans ce nouveau monde impitoyable et sauvage…
Fidèle à son habitude, Jean-Pierre Pécau arcboute son récit sur une solide base historique qui lui confère toute sa crédibilité. Dans une ambiance tendue, le prolifique scénariste tisse un western sombre qui nous entraîne dans une Californie en proie à la fièvre de l’or… Mais les orpailleurs ne sont pas les seuls à s’enrichir et mafia et politiques s’en donne à cœur joie et se mêle de façon inextricable. Et si le rêve californien se délite peu à peu, un autre s’esquisse dans l’état de Sonora, au nord du Mexique…
Outre la qualité du dessin sur lequel nous reviendrons, c’est les personnages concoctés par le scénariste s’avère bougrement originaux… Il y a ce général et sa conception particulière de l’ordre et de la discipline, Lola Montez, danseuse de cabaret qui a un compte à régler avec les hommes, le jeune Tortillard devenu homme des basses œuvres du général de Freney ou ce déserteur irlandais qui s’est battu pour des causes perdues… Sans oublier Maximilien qui a mis en berne ses rêves d’utopie socialiste qui se sont fracassés sur les barricades des évènements de juin 1848, laissant place à une sourde vengeance… La scène d’introduction de l’album s’avère particulièrement violente alors que le cliffhanger laisse augurer un final détonnant…
Benoît Dellac réalise une fois de plus une formidable travail, sublimé par les couleurs léchées de la talentueuse Scarlett Smulkowski qui n’a pas son pareil pour poser les ambiances et éclairer chacun des décors d’une lumière finement ciselée… Alternant plans nerveux et rythmé et scènes plus contemplatives, le découpage des planches s’avère particulièrement fluide et percutant, offrant des scènes d’action particulièrement bluffantes. Le dessinateur dote chacun des personnages d’une trogne expressive et signe des décors sales et poussiéreux mais son trait sait se faire sensuel lorsqu’il s’agit de mettre en scène la troublante Lola…
Dans une Amérique dont l’histoire est en train de s’écrire, Jean-Pierre Pécau signe un western sombre, violent et poisseux solidement documenté qui nous entraîne dans une Californie gangrénée par la fièvre de l’or…
Porté par des personnages sombres et tourmentés et une mise en image au cordeau signée Benoît Dellac et sublimée par les formidable couleurs de Scarlett Smulkowski, l’intrigue concoctée par le scénariste déploie son envergure alors que l’album s’achève sur un cliffhanger prometteur annonciateur d’un final dantesque…
Le décor est planté, les acteurs sont en place et font route vers Sonora pour rencontrer leur destin…