Zep continue de creuser le sillon réaliste avec ce récit d'anticipation scientifique particulièrement glaçant…
Théodore Atem, se rend en Suède pour rejoindre une équipe de chercheurs dirigés par le professeur Frawley. Ce dernier tente de démontrer que les arbres détiennent dans leur génome l’histoire de la planète Terre mais qu’ils le masqueraient dès que l’homme s’approche d’eux…
Sa théorie a été comme on s’en doute décriée par la communauté scientifique mais de tragiques événements survenus dans les Pyrénées espagnols pourraient bien lui donner raison…
Après avoir enthousiasmé la jeunesse avec Titeuf et sa bande de joyeux drilles, avoir signé de sympathiques albums humoristiques (Happy Rock, Girl, Sex et Parents), Zep semble avoir entamé une nouvelle carrière de dessinateur réaliste avec sa superbe
une histoire d’hommes et son saisissant
un bruit étrange et beau… C’est dans cette veine que s’inscrit
The End, un thriller botanique qui prends le premier et mythique album des Doors comme bande originale…
Si son scénario semble fantasque et improbable, il s’appuie pourtant sur des éléments scientifiques avérés… A l’origine du scénario, il y a la mort mystérieuse de koudous dans la savane africaine dans les années 80. L’assassin: les acacias qui ont fabriqué un poison mortel pour éliminer les koudous dont la prolifération menaçait sa survie… Une fois leur forfait accompli, les acacias ont cessé de produire l’arme du crime…
Porté par une galerie de personnages complexes et attachants, le scénario concocté par Zep s’avère tout à la fois glaçant et passionnant. Le goût du professeur Frawley pour la musique des Doors le rendent profondément humain, nuançant subtilement l’image du chercheur obnubilé par ses recherches. Ancien écoterroriste, le personnage de Théodore Atem s’avère bien moins lisse qu’il n’y parait et sa volonté de voir dans le laboratoire de Pharmocorp implanté à la lisière de la réserve naturelle la cause des perturbations qui touchent la flore locale rende le récit plus nerveux et tendu…
Difficile de ne pas être envoûté par le trait réaliste et plein d’élégance de Zep. Avec un style naturaliste, il compose une nature superbe qui sait se faire inquiétante voir menaçante au grès de son scénario.
Le dessinateur use de la couleur avec parcimonie mais de façon particulièrement pertinente: chaque scène possède ses propres teintes, grises, vertes, bleues ou sépias, rendant la lecture de l’album particulièrement fluide sans qu’il soit nécessaire de recourir à des récitatifs.
Superbement édité, ce troisième récit de Zep est une fois encore une grande réussite.
Rehaussé d’un usage parcimonieux mais pertinent de la couleur, le trait réaliste et élégant de l’auteur mais en image de façon saisissante un thriller botanique aussi déstabilisant qu’inquiétant…
La fin de l’album et ses accents post-apocalyptique nous rappelle que l’homme se doit de retrouver sa place dans ce petit monde fragile qu’il a trop tendance à vouloir plier à ses exigences et à sa quête futile du profit...
Une grande œuvre d’un auteur impressionnant qui a l’audace (et le talent!) d’explorer de nouveaux territoires graphiques et narratifs…
Je pensais que nous étions là pour observer la forêt. Mais c’est elle qui nous observait Théodore Atem
(*)Extrait de The End des Doors