Fiche descriptive Anticipation Zep Dominique Bertail Dominique Bertail, Gaétan Georges Rue de Sèvres 23 janvier 2019 17€
9782369812159 Chronique Paris 2119 L’ombre de P.K.Dick |
Après avoir enthousiasmé les ados avec son célèbre héros à la houppette, Zep a signé des album envoûtant destinés à un public plus adulte : Un bruit étrange et beau et The End, deux titres particulièrement marquant qui montre l’étendue du talent de l’auteur… Pour mettre en images son Paris 2119, Zep associe sa plume aux crayons du talentueux Dominique Bertail… 2119. Si Paris est toujours Paris, la société a bien changée. Le métropolitain existe encore mais seul les parias et marginaux le prennent depuis que la société Transcore a inventé la téléportation permettant de se déplacer d’un bout à l’autre de la planète en quelques de seconde… Hommes et femmes sont pucés et scanné par des drones dès qu’ils s’aventurent dans les ruelles désormais quasi désertes de la capitale. Contrairement à Kloé, sa compagne, Tristan Keys fait partir des réfractaires au progrès qui s’évertue à se déplacer en marchant ou en utilisant le métro ; un nostalgique de l’époque où il n’y avait pas besoin de permis de procréer, où les livres existaient autrement qu’en numérique et où les gens osaient sortir et se rencontrer… Un jour, alors qu’il postule à un entretien d’embauche, il reconnaît dans sa future patronne une femme qu’il a croisé dans le métro alors qu’elle était totalement défoncée. Les anomalies vont se multiplier… Quelque chose semble se tramer à l’insu de tous et dont Transcore serait à l’origine… Une dystopie glaçante et cohérente… Zep signe un récit d’anticipation glaçant qui immerge le lecteur dans un Paris futuriste. Respectant les préceptes de la SF en pointant les dérives de nos sociétés contemporaines, il déplace à peine le curseur pour donner corps à une dystopie froidement crédible : le puçage permettant de traquer et de suivre à la trace chaque individu ; une société déshumanisée dans laquelle il est difficile de faire la part des choses entre le réel et le virtuel; le progrès en apparence salutaire mais qui pourrait se révéler être une menace…Solidement charpenté, le récit s’inscrit dans l’’esprit des nouvelles de Philipp K. Dick, écrivain halluciné et visionnaire dont l’œuvre a tant de fois inspiré les cinéastes (Blade Runner, A Scanner Darkly, Minority Report, Total Recall…)… Les auteurs commencent par dépeindre par petite touche le Paris des années 2119 en suivant le héros lors d’une de ses ballades pédestres dans les avenues désertes, scanné à chaque coin de rue par des drones intrusifs… Le trait élégant de Dominique Bertail mêle avec finesse et inspiration au Paris contemporain des éléments futuriste. L’ensemble fonctionne à merveille d’autant que la colorisation toute en subtilité qu’il cosigne avec Gaétan Georges est de toute beauté… Le dessinateur dépeint différents quartiers de la capitale et parvient à en retranscrire l’atmosphère de façon saisissante. Les intérieurs s’avèrent particulièrement design et soignés et le dessinateur y fait évoluer des personnages crédibles dont le caractère transparait dans les dialogues ciselés et leurs traits expressifs… Le lecteur attentif y décèlera des clins d’œil à d’illustres œuvres ou artistes ayant marqué de leur empreinte la SF ou donné leur vision d’un Paris futuriste plausible et cohérent… Après avoir travaillé ensemble sur un tome du jubilatoire Infinity 8, Zep et Dominique Bertail se retrouvent pour un récit d’anticipation glaçant se déroulant dans un Paris futuriste sombre et inquiétant… L’ombre de Philipp K. Dick plane sur cet album superbement mis en image par le trait stylisé et plein d’élégance de Dominique Bertail. Solidement charpenté, le scénario de Zep dépeint une société dystopique froidement crédible et interroge le lecteur sur le progrès à outrance qui déshumanise la société… Son héros, nostalgique du siècle passé et en parfait décalage avec son époque, va être le témoin involontaire de disfonctionnements qui vont le faire plonger dans la paranoïa et lui faire peu à peu perdre pied… Sombre et désespéré, l’album se referme néanmoins sur une notre optimiste, porteuse d’un fragile espoir… J’aime le métro… sa lenteur… son obscurité… son odeur de caoutchouc et de bois brûlé. Plus personne ne se déplace comme ça. A part quelques touristes. Plus personne ne se déplace physiquement d’ailleurs… depuis cette saloperie de Transcore.Tristan Keys
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