Alors que la fin du monde approche, des cultes impies cherchent à réveiller leur déité afin d’asseoir sa domination sur ce monde agonisant… A l’aide de ses prêtres, chaque Patriarche va devoir recruter de nouveaux adeptes, corrompre les autorités et invectiver les foules de fanatiques pour étendre leur pouvoir sur la Cité Céleste…


Connu en tant qu’éditeur de romans fantastiques, Bragelonne se lance dans l’édition de jeux de société… Avant même d’ouvrir la boîte, on ne peut qu’être épaté par son habillage graphique et l’illustration démoniaque d’ Anton Kvasovaroy… Le soufflet ne retombe pas en ouvrant la boîte et en déballant le matériel qui est du même acabit… Cartes toilées et plateau sont joliment illustrés et si on aurait aimé un plateau à la Salem ou à la Pandemic: Reign of Cthulh, plus immersif, celui-ci n’en reste pas moins clair et lisible.

On appréciera le travail iconographique bien pensé, les meeples en adoration devant leur dieu impie mais aussi et surtout les superbes et inquiétantes figurines Patriarches qui ont indéniablement de la gueule… Ajoutons des marqueurs aux formes atypiques et vous obtenez un jeu graphiquement superbe auquel on a d’emblée la furieuse envie de jouer… Cerise sur le gâteau : le thermoformage aux petits oignons : modulaire, il permet de sortir et remballer le matos en un temps record… Ca n’a l’air de rien, mais c’est bougrement bien pensé…

Si le livret de règles (24 pages bien tassées) pourra rebuter les joueurs occasionnels, il s’avère particulièrement bien conçu, exposant clairement les différents mécanismes du jeu, par ailleurs très fluides… D’ailleurs, les règles proprement dites tiennent sur 7 pages, les autres venant expliquer et détailler différents éléments du jeu (Lieux, cartes Miracle, cartes Privilèges, cartes Intrigue ainsi que les différent Cultes)… Le livret contient par ailleurs quelques conseils bienvenus, tant logistiques que ludiques, pour que la première partie se passe dans les meilleures conditions… En bref : c’est du bel ouvrage…

Contenu de la boîte: 1 plateau de jeu, 33 Cartes Miracles, 33 Cartes Intrigue, 33 Cartes Privilège, 1 Carte Suprématie, 9 Fiches de culte , 16 Foules de fanatiques, 100 Pièces de monnaie, 1 Jeton Premier joueur et, pour chacun des 5 joueurs : 1 figurine Patriarche, 15 Jetons Pêtres, 9 pions Fidèles, 1 carte de Référence.

Mise en place
Une fois familiarisé avec le matériel, aidé par le thermoformage et le plateau bien pensé, la mise en place d’une partie s’avère particulièrement fluide…

Déroulement
Le jeu se déroule en une succession de phases d’Intention et de Résolution…

Durant la Phase d’Intention, les joueurs peuvent soit Prêcher (envoyer tour à tour un Prêtre sur un lieu de la Cité Eternelle, suivant le nombre d’adeptes… L’envoi des 3 premiers Prêtre est gratuit, pour les suivants il faudra sacrifier un Fidèle pour chacun d’eux), soit Prier (il profite alors de l’effet d’un lieu, en fonction des Foule de Fanatique dont il dispose puis peut effectuer des transactions en vendant des cartes Intrigues ou achetant des cartes Privilège visibles… Mais il ne pourra plus rien faire d’autre jusqu’à la fin de la phase)…

Durant la Phase de Résolution, chaque lieu va être résolu dans l’ordre de lecture. Pour chaque lieu, le Culte ayant le plus d’influence bénéficie de l’effet indiqué, les autres cultes présents ne gagnant que l’Aumône indiquée (quelques pièces sonnantes et trébuchantes)…

Avant la résolution, chaque joueur peut jouer une carte Miracle, Intrigue ou activer le pouvoir de son culte après un Rituel dont il devra s’acquitter du coût … Chaque culte calcule alors son influence en ajoutant l’influence des Prêtres et des Autels auxquelles s’ajoutent les éventuels modificateurs… Dépendant de son nombre de Fidèles, l’influence du Patriarche fluctue en cours de partie…

Les Prêtres sont alors récupérés par les joueurs avant de passer à la résolution du Lieu suivant…

Fin de partie
La partie s’achève lorsqu’à l’issue d’un tour, un joueur remplit l’une des conditions suivantes… Il remporte la partie et son dieu règnera sur notre monde jusqu’à la fin des temps…

Posséder 5 Autels sur le plateau
Posséder 4 Foules de Fanatiques
Accomplir par deux fois l’Invocation

Ne vous fiez pas aux (sulfureuses) apparences et à l’épaisseur du livret de règles : Culte est un jeu de placement et d’enchères aux mécanismes particulièrement fluides… qui demandera néanmoins plusieurs parties pour en appréhender les nombreuses subtilités !

Ce qui séduit d’emblée les joueurs (outre le joli matériel), c’est la façon dont thématique et mécanique s’imbriquent parfaitement pour former un tout cohérent…

A chaque tour, les joueurs vont pouvoir placer leur Prêtre pour bénéficier des pouvoirs liés aux différents lieux du plateau… s’ils y sont majoritaires ! La possibilité de jouer des cartes ou d’utiliser des capacités influant directement sur ces majorités rend l’opération particulièrement subtile, sans oublier la possibilité de bâtir un Autel permettant à un joueur d’accroître son influence sur un lieu pour les tours à venir… à condition d’y envoyer un Prêtre !

Chaque lieu est intrinsèquement lié aux autres et la notion de timing s’avère d’autant plus cruciale que les Lieux sont évalués dans un ordre immuable, obligeant les joueurs à anticiper et gérer au mieux leurs ressources pécuniaires, ésotériques (Cartes Miracle ou Privilège), occultes (Intrigues) ou humaines (les fidèles à utiliser ou sacrifier pour la gloire de votre dieu…) pour parvenir à leurs fins… Chaque prêche devra donc être minutieusement préparé afin d’optimiser l’action de ses prêtres… L’éventail des possibles semble vaste et chaque placement de prêtre s’avère être un renoncement induisant cette délicieuse frustration qui est la marque des grands jeux…

Nous avons notamment apprécié la façon dont le jeu monte en puissance au fil des tours alors que chacun des cultes montent en puissance : au fur et à mesure que leur nombre de fidèles augmente, les joueurs auront accès à d’autres lieux qui leur permettront d’avoir accès à de nouvelles ressources… Au fil des tours, ils vont collecter des Pièces, la carte Suprématie, des cartes Miracle ou Privilège ou Intrigue, augmenter la puissance de leur Patriarche…
Autant d’éléments qui leur permettront d’influer le cours des choses… Et, une fois la première invocation de leur dieu menée à terme, ils verront leur puissance accrue et auront accès à de nouveaux pouvoirs… Bien sûr, les cultes concurrents feront des alliances, nécessairement éphémères, pour contrecarrer la montée en puissance de l’un des leurs… Les parties sont d’autant plus tendues que les joueurs s’approchent d’une des conditions de victoire…

Chaque dieu orientera la stratégie du joueur lui vouant un culte et offrira des sensations de jeu subtilement différentes… assurant par la même une excellente durée de vie au jeu !

A noter que la version française du jeu bénéficie d’un dieu en plus : un certain Asmodée.. le fameux éditeur de jeu de société, devenu Prince Démon du jeu dans le jeu de rôle In Nomine Satanis / Magna Veritas !

Porté par thématique sulfureuse et délicieusement malsaine qui ravira les amateurs de l’œuvre de H/P. Lovecraft, Culte est un jeu de placement et de majorité dont les mécanismes s’imbriquent parfaitement pour former un tout fluide et cohérent…

Les parties sont tendues et âprement disputées et confrontent à chaque tour de jeu les joueurs à des choix éminemment cornéliens, mettant à l’épreuve leur sens de la stratégie et de la planification tant la notion de timing s’avèrera cruciale pour la victoire finale…

Après avoir enchanté les amateurs de fantasy en entraînant des milliers de lecteurs dans des mondes imaginaires fascinants et envoûtants, les éditions Bragelonne entrent en fanfare dans le monde du jeu avec ce petit bijou de Konstantin Seleznev joliment illustré par le talentueux Anton Kvasovarov… Sur ce, je vous laisse, j’ai quelques prêtres à sacrifier pour préparer l’avènement de Cthulhu…



la mécanique fluide au service d’une thématique forte
les illustrations superbes et inquiétantes de Anton Kvasovarov
la richesse et la profondeur du jeu
la tension qui va crescendo



les parties sont un brin longues… mais franchement, on ne voit pas le temps passer !