Il est étrange de voir que
Stray Bullets qui a révélé le talent de David Lapham n’ait pas fait l’objet d’une édition française depuis les deux opus publié il y a près d’un quart de siècle déjà… C’est néanmoins chose faite avec le premier tome de cette généreuse intégrale qui regroupe quatorze récits noirs et malsains…
Eté 1997, deux heures du matin… Une voiture vient de crever et se gare sur le bas côté… Un homme d’âge mûr en descend suivit d’un plus jeune… Lorsqu’il ouvre le coffre du véhicule pour sortir le cric, on entrevoit un cadavre enveloppé dans une couverture… Le jeune semble au bord de la crise de nerf lorsqu’une voiture s’arrête juste derrière la leur… Un flic en descend… Il ne le sait pas encore mais il n’a plus que quelques minutes à vivre…
Dès le premier récit de ce roman noir, le lecteur est happé dans l’univers sombre et désespéré de
Stray Bullets… Au fil des quatorze histoires qui composent ce recueil, David Lapham tisse un récit choral fascinant qui semble emprunter ses ambiances délicieusement malsaines, sa folie furieuse et sa violence brute de décoffrage à celles des films d’un Quentin Tarantino…
Si l’auteur s’intéresse à la criminalité, c’est le destin des petites frappes qui semble l’attirer plus que celui des caïds et des pontes du milieu… De ceux qui voient leur destin basculer parce qu’à un moment donné, ils ont fait le mauvais choix… Il met en scène une galerie de personnages saisissante et, au fil de ces récits sinistres et implacables, ce qui apparaît tout d’abord comme des récits épars s’avèrent former un tout vertigineux où l’on croise et recroise différents protagonistes qui occupent tour à tour les premiers rôles ou jouent les seconds couteaux…
Graphiquement, David Lapham fait montre d’une parfaite maîtrise du noir et blanc avec des masses sombres qui équilibrent ses planches et renforcent la noirceur des histoires courtes et un encrage épais particulièrement efficace… Si ses planches se découpent pour la plupart en un gaufrier de 2 par 4 cases, ses cadrages audacieux et percutants s’avèrent plus être tranchants qu’une lame, dynamisant le récit de façon impeccable, porté par son sens aiguisé de la mise en scène et de la de la narration.
Il est étrange qu’il ait fallu près d’un quart de siècle pour qu’un éditeur se réintéresse à ce chef d’œuvre de David Lapham. Cette élégante édition devrait permettre au plus grand nombre de découvrir ou de redécouvrir le talent d’un auteur inventif…
Chacune de ces nouvelles est une pièce d’un puzzle saisissant mettant en scène des petites frappes qui sont autant de loosers et de paumés qui voient leur destin basculer du fait d’un mauvais choix. Implacables et tragiquement désespérés, chaque récit explore des ambiances radicalement différentes, oscillant entre le réalisme malsain et le psychédélique dérangeant avec la même efficacité.
Ces « balles perdues » raviront les amateurs de polars noirs et dérangeant et nous ne pouvons qu’espérer que les éditions Delcourt publieront rapidement la suite de cette fresque criminelle sans équivalent…
Harry aurait pas dû faire ça. J’vais le faire payer. Tu vas voir.Joey