De par leur dimension éminemment tragique, les années noires qui ont vu Hitler porté au pouvoir et l’Europe marcher vers la guerre inspirent encore et toujours romanciers et scénaristes… Rodolphe et Ramón Marcos nous entraînent au cœur d’une Allemagne qui a basculé dans le nazisme.
30 janvier 1933. Adolf Hitler vient d’accéder au pouvoir. Le restaurateur en bas de l’immeuble a changé son enseigne pour « chez Adolf », tant par opportunisme que par ce que c’est son patronyme.
Hasard du calendrier : c’est aussi le jour où le professeur Karl Stieg, habitant de l’immeuble, décide de commencer un journal intime sans encore se douter de l’impact qu’allait avoir la nouvelle de la nomination du nouveau chancelier sur sa vie, celle de ses voisins mais aussi sur l’Allemagne et le monde…
Difficile de savoir comment on aurait réagi en 1933 face à l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler… Aurions nous été un salaud ou un héros, ou plus probablement un anonyme subissant le régime autoritaire qui allait se mettre en place à grand renfort de lois iniques, de violences gratuite et d’indicible cruauté…
Si le récit de Rodolphe met en scène une foisonnante galerie de personnages qui incarnent, de façon parfois archétypale, les différentes attitudes face aux tragiques évènements dont ils sont les témoins, les victimes ou les bourreaux, son récit se centre sur la personne de Karl Stieg, petit professeur discret qui se soucie alors bien peu de politique et garde ses distances avec le nouveau régime, ce qui ne manque pas de lui attirer des remarques outrées de la part de certains de ses collègues dont certains adhèrent avec entrain à l’idéologie nazie alors que d’autres le font par opportunisme pour préserver leur confort et leur famille…
Le regard lucide mais étrangement distancié que porte le professeur sur ses contemporains permet à l’auteur de brosser un portrait saisissant de l’Allemagne, dans toute sa complexité… De ceux qui redressent la tête et semblent retrouver leur honneur perdu dans la clairière de Rethondes, ceux qui appliquent les lois sans percevoir qu’elles affectent leur clients et amis, ceux qui endossent l’uniforme des jeunesse hitlériennes par conviction ou parce que c’est la mode, ou encore ceux qui , désignés par les nazis comme coupables des maux dont souffre l’Allemagne, font profil bas ou amorce la résistance…
S’inscrivant dans une veine classique, le dessin de Ramón Marcos nous immerge avec force Détails dans l’Allemagne de années 30 et campe des personnages crédibles et cohérent. Le soin apporté aux décors crédibilise quant à lui l’ensemble de façon saisissante…
Prévu en quatre tomes, Chez Adolf se propose de brosser un portrait saisissant de l’Allemagne des années noires à travers le destin des habitants d’un immeuble et plus particulièrement celui de Karl Stieg, professeur célibataire y habitant et qui se trouve être le narrateur de l’histoire…
Secondé au dessin par le talentueux Ramón Marcos dont le style d’inspiration classique immerge avec force détails le lecteur au cœur de l’Allemagne nazie, le prolifique et talentueux scénariste tisse un récit crédible et cohérent qui nous pousse à nous interroger sur ce que tout un chacun aurait fait, confronté à de tels choix dans une telle période…
Car si le récit s’ancre dans le passé, les relents nationalistes qu’on voit monter un peu partout en Europe nous rappellent combien il est crucial d’être vigilant pour empêcher la bête immonde de revenir…
Le 30 avril 1933, c’est également ce jour-là que j’ai commencé mon journal… Pourquoi ce jour-là ? Je n’en sais rien… Était-ce le présentiment qu’il allait se passer des choses nouvelles importantes et que le monde allait brusquement changer ? Ou peut-être tout simplement parce que Gertrud venait de m’offrir ce splendide cahier en cuir ? Un cadeau d’anniversaire… Et oui ! Mon anniversaire tombe le 29. Un une journée près, un autre événement marquant…Karl Stieg