La peste noire a décimé la population des environs. Les survivants s’organisent en communauté et fondent de nouveaux villages qui vont attirer des travailleurs à même de les faire prospérer… Chaque joueur présidera au destin d’un de ces villages, s’efforçant d’en faire le plus riche de la région…
Règles et matériel
A dominante blanche, la boîte de
Compagnon dénote sur les étals et, pour cette raison, accroche l’œil du chaland… Le design épuré (austère diront certains esprits chagrins) de Haakon Gaarder, auteur et illustrateur du jeu, confère à ce jeu de cartes (ou plutôt de ce jeu avec des cartes) une identité graphique unique… Porté par son style élégant, les cartes qui constituent ce jeu s’avèrent plutôt sympathiques et les différentes informations contenues sur les cartes sont fort bien organisées pour que les joueurs puissent s’y retrouver facilement… Pour ce qui est des pièces, il est dommage que des pièces de valeurs différentes (10, 20, 50 ou 1 et 2) soient de la même taille et de la même couleur…
Après réception du jeu, les éditions Gigamic se sont rendues compte que 6 cartes étaient erronées… Plutôt que de passer par le SAV pour demander les cartes revues et corrigées, elles ont été ajoutées dans la boîte… Elle est pas belle le vie ?
Le livret de règles (26 pages) s’avère particulièrement copieux. Il pourra faire peur à des joueurs occasionnels qui pourront avoir quelques difficultés à y entrer tant il s’avère dense et touffu… D’autant plus que les règles se contredisent même parfois, notamment en ce qui concerne le « déverrouillage » qui donnera des neurones à retordre à plus d’un joueur…
Pourtant, des exemples bien sentis éclairent chacun des rouages du jeu et le résumé figurant au dos des règles s’avèrent particulièrement précieux pour poser les choses et structurer la somme d’informations contenue dans les règles… Une fois le livret digéré, en s’appuyant sur ce résumé, l’explication des règles s’avère particulièrement fluide…
En d’autres terme : joueurs du dimanche, accrochez-vous : le jeu est, au final, bien plus simple que l’épaisseur du livret et la densité des règles ne le laissent paraître…
Contenu de la boîte : 6 villageois de départ, 30 villageois communs, 2 cartes marché, 1 carte premier joueur et carte Fin de la phase recrutement, 2 cartes Résumé de la manche (pourquoi pas 5 ?), 95 pièces (de valeur 1,2,5,10,20 et 50), 94 cartes Villageois et, pour chacun des 5 joueurs : 1 carte Place du village, 1 aide de jeu, 1 Compagnon. Pour le mode solo : 24 cartes Evénement, 1 carte Comtesse et 1 carte Bouffon
Déroulement d’une partie
Mise en place
Passée la première partie et pour peu que le jeu ait été bien rangé, la mise en place s’avère plutôt rapide. Le setting tient compte du nombre de joueur pour assurer des parties délicieusement tendues.
Déroulement
Un tour de jeu se découpe en deux phases distinctes :
1Phase de Recrutement: A tour de rôle, chaque joueur va pouvoir recruter un villageois parmi les 6 exposés sur la route ou en piochant dans l’une des 6 pioches. Chaque joueur recrutera au total 2 cartes + 1 par symbole nourriture visible dans son village (à concurrence de 5 cependant). Les villageois sont posés sur la carte place du village.
A l’issue du recrutement, les villageois recrutés sont ajoutés à la main de chaque joueur. Les villageois de la Route sur lesquels est posée 1 pièce sont défaussés et remplacés par un nouveau pioché dans la pile de gauche. 1 pièce est ensuite posée sur chaque villageois de la route.
2Phase de Placement:
Chaque joueur va pouvoir placer dans chaque village 2 villageois + 1 par maison visible dans son village (à concurrence de 5). Ces villageois peuvent s’intégrer dans une chaîne de production figurant sur la carte (et devront impérativement être posés sur un villageois donné), ou être posés directement sur la table. Certains devront être « déverrouillés » avec une « clef » (un villageois d’un type donné) pour être posés en s’acquittant d’un coût versé à un autre joueur ou à la banque (ou par la banque si le joueur possède lui-même ladite clef).
Le joueur peut, jusqu’à 3 fois, se défausser d’une carte de sa main (qu’il pose sur l’une des pioches) en échange d’un villageois Commun (Mineur, Faneur ou Bûcheron) qu’il peut poser gratuitement dans son village.
Fin de la manche
La première manche s’achève à l’issue du tour pendant lequel est dévoilée la carte Marché qui se trouve sous la seconde pioche. On procède alors à un décompte intermédiaire où chaque joueur reçoit 1 or pour chaque pièce d’or figurant sur ses villageois visibles…
Fin de partie
A l’issue du tour où est dévoilé le deuxième Marché (placé sous la 6e pioche), on procède à un nouveau décompte : les joueurs reçoivent de l’or selon les modalités du premier décompte. S’y ajoute d’autres monnaies sonnantes et trébuchantes pour les pièces d’argents figurant sur les cartes Villageois visibles.
Le joueur le plus riche remporte la partie…
l’Avis de la Rédaction
Premier jeu de Haakon Gaarder,
Compagnons est un grand jeu qui tient dans une petite boîte…
C’est un jeu indéniablement déroutant : ses graphismes épurés laissent augurer un jeu simple et familial… Mais la densité du livret des règles vient contredire cette première impression… La vérité est quelque part entre ces deux extrêmes…
Car la mécanique du jeu est au final simple et fluide : une phase de recrutement, une phase de placement… Rien de révolutionnaire serait-on tenté de dire ? Que nenni ! L’auteur assemble certes des mécanismes éprouvés : une rivière de cartes permettant de drafter des cartes, la construction d’un moteur de ressources, un chaînage obligeant à jouer les cartes dans un certain ordre… Mais il le fait en véritable Maître de chai ludique ! Loin d’être contraignante et d’enfermer le joueur, sa mécanique s’avère être d’une grande souplesse, d’une savoureuse limpidité et… d’une grande profondeur !
Aucun joueur n’est jamais pris au dépourvu : la route n’offre aucun Villageois intéressant, qu’importe, on en pioche un dans l’une des piles ! Oui, on pioche… Mais pas au hasard ! Non ! Car au dos des cartes Voyageurs est indiquée la nature de la carte. Il demeure certes une part de hasard mais il s’avère presque maîtrisable… La possibilité de défausser une carte pour acquérir un Villageois Commun fait qu’aucun joueur ne se retrouvera dans l’impossibilité de se développer…
Après quelques parties, le jeu se fait rapidement calculatoire et chaque choix est un cruel renoncement. Il faut sans cesse optimiser ses coups et tenir compte de sa main comme de la composition de son village et de celui de ses adversaires… Souffler sous le nez un Villageois trop lucratif pour un adversaire, c’est aussi se priver d’opportunités pour notre propre village et dont les autres sauront profiter…
Il faudra prévoir une grande surface de jeu pour une partie optimale car si les villages ne sont au départ qu’un petit hameau, ils drainent rapidement de nombreux villageois et il devient difficile, sur une surface de jeu réduite, d’organiser notre petite communauté…
Introduisant une Comtesse désireuse de réunifier sous son joug son ancien domaine et des cartes évènements, la variante Solo, est rudement bien pensée et fera le bonheur de ceux qui n’ont pas de compagnon de jeu sous la main… Déclinée en plusieurs niveaux de difficultés, elle offrira un challenge aux joueurs débutants comme les plus exigeants.
Nous avons en outre bien apprécié l’aspect pédagogique du jeu qui présente des métiers aujourd’hui oubliés… Jouer en se cultivant… Elle est pas belle la vie?
Ne vous laissez pas abuser par ses illustrations épurées au style affirmé : Compagnon est un grand jeu dans une petite boîte…
Il faudra certes se lancer dans la lecture de règles inutilement denses et touffues… Mais le jeu en vaut clairement la chandelle : une fois digérées et passée la partie de découverte, la mécanique du jeu s’avère on ne peut plus simples et fluide… Mais le jeu n’en reste pas moins riche pour autant et il faudra plus d’une partie pour en maîtriser les mille et une subtilités du chaînage, doser les prises de risques et saisir la moindre opportunité…
Pour les joueurs amateurs de jeux aux règles abordables offrant une réelle profondeur, ce délicieux jeu de Haakon Gaarder est un petit bijou à côté duquel il serait bien dommage de passer…
On aime...
le parti pris graphique (mais que certains pourront trouver austère)
la fluidité et la souplesse des règles
le subtil assemblage de mécanismes éprouvé
l’aspect didactique du jeu
une variante solo rudement bien pensée
un rapport prix / plaisir ludique imbattable
On n'aime pas...
les règles inutilement complexes