


Histoire(s) à dormi de bout est la réédition d’une petite pépite publiée il y a près de dix ans sous le titre de
Macabre chez Emmanuel Proust, et désormais introuvable. Mais, comme pouvaient s’y attendre ceux qui connaissent leur travail, les Aventuriers de l’Etrange ne se sont pas contentés de ressortir l’album… Il l’on retravaillé, en profondeur…
La couverture de la première édition française présentant le cadavre d’un homme, mort dans son fauteuil en lisant un livre accrochait certes le regard mais celle de ce nouvel album, figurant un singe tirant les tarots, est une véritable invitation à la lecture… Est-ce le même que celui qui était juché sur la tête du macchabé lecteur ? La question reste entière…
Composée à quatre mains par Maria et Ilieana Surducan, la maquette a été revue et s’avère plus agréable et plus aérée. Les pages de garde annonçant chaque récit renforce le lien avec les nouvelles littéraires dont elles sont adaptées alors que le nouveau format de l’album permettant de mieux apprécier le formidable travail graphique de Pedro Rodriguez. Son trait, tout à la fois élégant et inquiétant et ses couleurs lumineuses sont d’autant plus impressionnantes que chacune des planches a été retravaillée avec soin, les débarrassant de cet étrange voile (un suaire ?) qui, par comparaison, semblait recouvrir le travail de Pedro Rodriguez dans l’édition de 2010.

Avec un sens de la mise en scène impressionnant, l’auteur s’est attaqué à des classiques de la littérature fantastiques tel
le Chat d’Edgar Allan Poe,
la Main de Guy de Maupassant,
le récupérateur de cadavre de Robert Louis Stenvenson ou
le Vampire de John William Polidori qui posa les bases de cette créature de la nuit appelée à un bien bel avenir… Trois contes, moins connu du grand public viennent compléter ce recueil :
le pacte de Sir Dominick de l’irlandais Sheridan le Fanu,
La maison des cauchemars de Edward Lucas White,
la pension de Bucksdale de Camden Hill de la britannique Catherine Crowe… Chacune des nouvelles est introduite par leurs auteurs respectifs agrémenté d’une succincte biographie aux accents délicieusement macabre.
L’exercice consistant à adapter des nouvelles si emblématiques en si peu de page était indéniablement audacieux… Mais force est de reconnaître que l’auteur s’en sort avec un certain brio. Pedro Rodriguez, aidé par Jorge Garcia sur deux des histoires, parvient en peu de pages à saisir l’esprit de chacun des récits et à le retranscrire avec une indéniable inventivité graphique, un découpage soigné, des cadrages incisifs et un formidable travail sur les ombres et la lumière qui distillent avec art une délicieuse atmosphère à la fois horrifique et fantastique, renforcée par un usage subtil de gravures anciennes pour poser le décor…
Alors que Macabre était épuisé depuis des lustres, les Aventuriers de l’Etrange nous en propose une nouvelle édition…
Comme de coutume, l’éditeur ne s’est pas contenté de publier l’album à l’identique ! Il l’a retravaillé de fond en comble, revisitant la maquette, augmentant le format et, surtout, dépoussiérant les planches étrangement ternes de la première édition, rendant par la même justice au travail graphique très inspiré de Pedro Rodriguez…
Il fallait de l’audace pour adapter en quelques pages ces sept nouvelles emblématiques de la littérature fantastique… Mais il fallait surtout le talent de cet auteur trop rare pour en conserver l’esprit, le retranscrire avec force tout en donnant à l’ensemble une telle homogénéité que de voir réunis ces sept récits en un album apparaît presque comme une évidence.