Crée par Régis Hautière et Hardoc,
La Guerre des Lulus nous raconte avec tendresse et lucidité la Grande Guerre telle qu’elle a été vécue par une bande d’orphelins particulièrement attachants… Après la parenthèse où Luigi confiait à un journaliste leur escapade berlinoise, ce sixième opus se centre sur Lucien, l’aîné des Lulus…
Novembre 2018. Les canons se sont tus et la Grande Guerre qui avait jeté les orphelins sur les routes s’achève. Amputé d’une jambe, Lucien est en convalescence dans un ancien orphelinat reconverti en hôpital militaire. Saisissant la mordante ironie de la situation, il s’ouvre à Adélaïde, l’infirmière qui lui prodigue les soins et l’aide à faire ses premiers pas.
Au fil de leurs rencontres, Lucien va lui confier une partie de ses souvenirs, du drame qui l’a conduit à la maison des enfants trouvés de Valencourt à sa rencontre avec Lucas, Luigi et Ludwig en passant par la création de cette fameuse bande pour faire face aux vexations et aux brimades quotidiennes des plus grands et de leur chef, Octave… Car si la guerre qui allait l’Europe n’avait pas encore éclaté, les Lulus étaient déjà unis contre l’adversité…
Il fallait tout le talent de Régis Hautière et de Hardoc pour donner chair à ces êtres de papier que l’on retrouve avec plaisir et émotion, comme l’on retrouve de vieux amis… Il faut dire que nous avons avec eux traversé la Grande Guerre et surmonté bien des embûches au cours des sept albums précédents…
Le scénariste fait montre d’une grande maîtrise narrative en conduisant deux récits se déroulant l’un avant la Grande Guerre et l’autre à la fin de cette dernière, alors que les cloches des églises sonnent l’armistice à toute volée…
Le premier lève un pan du voile sur le drame qui a conduit le jeune Lucien à échouer à l’orphelinat de Valencourt et nous montre comment l’amitié allait naître entre ces gamins perdus qui avaient, malgré leur jeune âge, fait la douloureuse épreuve de l’âpreté de la vie. Le second arc narratif nous dépeint un Lucien plus âgé qui a survécu aux épreuves qu’ils ont traversées dans une Europe en guerre mais qui y a laissé une jambe… L’alternance de ces séquences impulse un rythme soutenu à l’album et apporte son lot d’émotions, avec pudeur, tendresse et retenue ; la guerre enfantine que se livrent la bande des Lulus avec celle d’Octave n’étant pas sans évoquer celle qui opposait les gosses de Longeverne à ceux de Verlans dans
la Guerre des Boutons, roman de ma douzième année, chef d’œuvre de Louis Pergaud formidablement adapté au cinéma par Yves Robert... On y retrouve cette cruauté enfantine se mêlant avec légèreté à l’insouciance de la jeunesse…
Après avoir cédé les crayons au talentueux Damien Cuvillier sur les deux tomes de la
Perspective Luigi, Hardoc reprend du service sur ce septième opus pour mettre en image le passé et le présent des personnages auxquels il a donné vie. Pour dessiner le récit fait par Lucien à l’intentionnée infirmière, il fait rajeunir nos héros pour les mettre en scène quelques années avant le déclanchement des hostilités. Son trait sensible et expressif met en scène ce récit tendre et cruel avec d’autant plus d’efficacité qu’il est mis en couleurs par les pinceaux subtils de David Perimony et de Hardoc…
Régis Hautière et Hardoc poursuivent leur captivante série mettant en scène une bande de gamins que l’on a suivi, entre espoirs et désillusions, de la déclaration de guerre jusqu’à l’armistice.
Porté par des personnages joliment écrits qui évoluent sensiblement au fil des albums, par des dialogues truculents et délicieusement enfantins et un dessin particulièrement touchant, ce sixième opus de la Guerre des Lulus est une petite merveille d’intelligence qui vous fera passer du rire aux larmes en quelques cases… L’occasion pour les auteurs de revenir sur le drame qui a fait échouer Lucien à l’orphelinat de Valencourt et sur la naissance de cette joyeuse bande…
Si la dernière scène abandonne le lecteur en proie à une délicieuse frustration, il en va de même pour ces deux planches du tome 7 proposées en fin d’album. Le prochain opus complétera le portrait de Luigi que les auteurs ont esquissé au fil des tomes de cette série intelligente à même de séduire un large public tant pour sa qualité d’écriture que pour celle de son dessin plein de subtilités, de tendresse et de retenue.
- Vous m’avez dit que cet hôpital, avant la guerre, c’était un orphelinat.
- C’est vrai. Et maintenant il va pouvoir le redevenir.
- Quand la guerre a commencé, j’étais aussi dans un orphelinat.dialogue entre Lucien et Adélaïde