Si vous parcourez souvent ce site, vous devez déjà savoir ce que je pense de cette jeune série qu’est « Korrigans », dont les auteurs se sont rencontrés pour la « Graine de Folie » quelque temps auparavant.
Mais alors que cette dernière n’était qu’une demi-réussite, l’on peut dire qu’elle aura permis de nous livrer enfin une BD aboutie sur le thème des contes et légendes.
Pour mémoire, rappelons que le scénariste Mosdi ne collabora avec Civiello qu’à la toute fin de la Graine de Folie, alors qu’ici, il met son imagination au service du dessin dès le premier tome.

Du coup, si les personnages (notamment les korrigans et les cluricaunes) ont toujours cette touche de grotesque qui semble être l’apanage des habitants de Faërie, l’histoire est tout sauf comique ou accessoire. Elle est même plutôt violente, et montre à quel point les fées sont la personnification de nos peurs les plus irraisonnées.

Dès l’ouverture, une famille est massacrée, et seule la petite Luaine en réchappe libre, grâce à l’aide providentielle de deux korrigans qu’elle ne quittera plus et qui vont la guider de l’autre côté. Ils y rechercheront la mère et le grand-père de la petite, kidnappés par les sbires de Balor, le seigneur ténébreux.

Le scénario s’appuie sur les légendes celtiques (Balor y est en effet un fomoîré cyclopéen qui dirigea les attaques contre les Tuatha de Danann) pour donner du corps à l’ouvrage, et les péripéties du trio nous font traverser un monde étrange qui pourrait bien être un double féerique de l’Ecosse (si l’on se fie aux références mythologiques). Le secret qui entoure les enlèvements d’humains par les fomoîrés amènera les korrigans à envoyer nos héros par-delà les mers quérir l’aide des ennemis ancestraux des démons.

Les dessins sont splendides et confirment Emmanuel Civiello en tant que maître des représentations de Faërie dans l’univers de la BD. Son style caricatural, sombre et chargé colle parfaitement à l’ambiance brumeuse et mystérieuse des mythes et légendes. Et cette fois-ci, son scénariste lui donne matière à nous faire plaisir visuellement. On n’est pas loin du chef d’œuvre.

Il ne reste plus qu’à espérer que la suite tienne toutes ses promesses. Et si je me fie à l’intensité du second volume, celle-ci ne devrait pas trop tarder et nous offrir une série complète en seulement quelques volumes. Il est donc temps de franchir le pas, et de passer de l’autre côté…