Si les vétérans qui ont découvert le jeu de rôle entre de début des années 80 et les années 90 savent ce qu’ils doivent à Gary Gigax, les newbies découvrant ce loisir basé sur l’imaginaire avec son revival sans précédent ignorent peut-être jusqu’au nom de l’un de ses pères…
Le livre s’ouvre sur une préface signée par John Romero, le créateur de Doom qui allait, dans le sillage de Wolfenstein 3D, révolutionner le jeu vidéo comme Gigax l’avait fait pour le monde du jeu de société… Rôliste de longue date, il rend un hommage saisissant au créateur de Donjon & Dragon, jeu qui l’a inspiré pour ses créations numériques…
Puis on entre d’emblée au cœur du sujet alors qu’on suit les errances dans Lake Geneva d’un Gigax qui vient de se faire virer de Tactical Studies Rules (TSR), la société qu’il avait co-fondée avec son ami Don Kaye… L’occasion d’évoquer des souvenirs et de revenir sur son enfance turbulente et une vie balisé de joies et de drames…
Puis Michael Witwer nous conte la vie du créateur du jeu de rôle, s’attardant sur sa jeunesse déjà marquée par le jeu, à la pratique assidue du wargame, de la création de la première Gen Con (Lake Geneva Wargame Convention), manifestation intimiste qui allait devenir l’un des plus grand salon dédié au jeu de société, jusqu’à l’émergence des premiers concepts qui allaient donner naissance au jeu de rôle…
La tonalité du livre pourra étonner… Car s’il s’appuie sur une solide documentation (comme en témoigne la liste des sources proposée en fin d’ouvrage), des témoignages de premières mains et des interviews, il donne au bouquin des allures de romans, reconstituant certain dialogues ou pensées de Gigax… Mais ce faisant, son récit s’avère particulièrement entraînant, les chapitres courts s’enchaînent de façon particulièrement convaincante, rythmés par une partie de rôle qui entre en résonnance avec le propos. Même s’il souligne certains de ses excès, l’auteur est entièrement gagné à la cause de Gigax, prenant clairement son parti, en minimisant par exemple le rôle de Dave Arneson dans l’aventure Donjon & Dragon. Mais le livre donne une vision fidèle d’une aventure ludique sans précédent, de l’idée lumineuse aux défaites cuisantes, de réussites éclatantes aux de trahisons mémorables et aux retentissants procès…
Les derniers chapitres reviennent sur l’impact du jeu de rôle sur la création des trente dernières années alors que bon nombre d’écrivains, de dessinateurs, de scénaristes ou de cinéastes ont été biberonnés aux univers imaginaires et vécu mille et unes aventures dans d’inquiétants donjons ou de sinistres manoirs avant que de devenir auteurs à part entière et de marquer leur art de leur empreinte…
Michael Witwer signe une biographie romanesque de Gary Gigax, inventeur du Jeu de rôle et rois des geeks… Solidement documenté, son docu-fiction truffé d’anecdotes se lit avec un réel plaisir et, si son récit s’avère pour le moins édifiant, on pourra regretter que l’auteur s’attarde peut-être plus sur l’aspect économique des premières années du JdR que sur la façon dont ce loisir a révolutionné le monde du jeu et la culture des mondes imaginaires…
Mais le livre s’avère néanmoins captivant, par sa structure même et la façon dont l’auteur raconte, à l’américaine, la vie d’un bonhomme créatif à l’imagination fertile mû par une passion dévorante, de ses fulgurances à ses chutes jusqu’à la rédemption des dernières années…
Retraçant la vie riche et chaotique de Gary Gigax, L’Empire de l’Imaginaire ravira tant les rôlistes de la première heure que les jeunes joueurs découvrant un loisir qui n’a pour limite que celle de leur imagination…
J’écris des livres parce que j’ai envie de les lire, je crée des jeux car je veux y jouer, et je raconte des histoires car je les trouve passionnantes personnellement… Je voudrais que le monde se souvienne de moi comme ce type qui a vraiment adoré les jeux et a voulu partager son savoir et son passe-temps favori avec tout le monde.Gary Gigax