Les gens viennent de loin pour acheter le succulent pâté que Charon, le boucher-maire du village, vend au prix du foie gras...
Mais, un jour, alors que, livrés à eux même, Jacques et Lily profitaient de la nuit pour échapper à leur étouffant quotidien le temps d’une escapade nocturne, les enfants découvrent le secret du boucher : le principal ingrédient de ses fameux pâtés sont les chats errants qu’il zigouille sans vergogne… Par défi, Jacques provoque le boucher, lui faisant comprendre par petite touche qu’il l’a percé à jour…
Mais ce dernier compte bien éliminer ce gamin qui menace son petit commerce… Lors de la rixe qui ne manque pas d’éclater, Jacques poignarde Charon qui tentait de l’occire… Et lorsqu’il rentre chez lui, en retard, son père est fermement décidé à lui infliger à grand coup de ceinturon l’une des corrections dont il a le secret… Mais Jacques est bien décidé à ne pas se laisser faire et repousse violemment son père dont la tête heurte violemment un clou planté dans le mur… Il tombe, raide mort…
Devenu meurtrier et parricide, l’adolescent est envoyé pour cinq ans en Institut d’Education Surveillé où il passera les plus belles années de sa vie et deviendra chef de bande… Histoire de faire ses premières armes et devenir chef de gang…
Une fois encore, Philippe Pelaez impressionne par sa capacité à enchaîner des récits hétéroclites sans jamais s’enfermer dans un genre : Olive et Peter, Maudit sois-tu, Parallèle (devenu depuis Alter), Un peu de tarte aux épinards ou Maudit sois-tu alterne avec un certain brio récit de SF, histoires fantastiques, humoristiques et horrifiques…
Dans ce one-shot intimiste, il nous raconte le destin mouvementé d’un adolescent à l’esprit vif qui allait devenir meurtrier et parricide… Son enfance n’a pas été des plus heureuse, loin s’en faut. Entre une mère qui se prostitue et un père alcoolique et souvent absent qui s’exprime plus volontiers avec les poings qu’avec les mots, son seul rayon de soleil est sa sœur Lily qu’il aime et qu’il protège comme il peut d’un monde trop hostile. Les dialogues y sont rares mais particulièrement efficaces, s’estompant derrière de longs récitatifs permettant au narrateur de dépeindre son quotidien et à l’auteur d’esquisser un portrait complexe… En d’autres temps, en d’autres lieux, Jacques aurait pu faire de brillantes études et avoir un métier honorable… Mais la vie en a décidé autrement… Jacques n’est une graine de voyou qui ne demande qu’à éclore pour se venger d’une société qui l’a rejeté… Et s’il semble insensible aux coups comme aux sentiments, il a accumulé suffisamment de haine pour parvenir à ses fins…
Les talents de dessinateur et de coloriste de Francis Porcel contribuent de façon saisissante à poser l’ambiance sombrement réaliste qui baigne le récit de la première à la dernière case. Son trait réaliste est rehaussé par une colorisation sépia qui ancre le récit dans son époque alors que son remarquable sur les cadrages confère à l’album une savoureuse dimension cinématographique… L’artiste soigne chacune des scènes, telles celle ou le bien-nommé Charon conduit nuitamment Jacques dans sa barque pour le mener vers son destin… On appréciera par ailleurs le soin apporté aux costumes et aux décors qui immergent avec art le lecteur dans la France d’après-guerre et accentue la filiation avec les polars noirs des Trente Glorieuses…
Si la couverture délicieusement oppressante attire d’emblée l’œil, c’est bien le titre, iconoclaste, qui donne furieusement envie de se plonger dans le nouvel album signé par l’éclectique Philippe Pelaez et dessiné par le talentueux Francis Porcel…
Avec un art de la narration saisissant, le scénariste nous conte l’enfance sombre et tourmentée d’un gamin vif, calculateur et insolent devenu meurtrier, malgré lui, mais sans une once de remords… Porté par des récitatifs ciselés, Dans mon village on mangeait des chats est un récit sombre aux accents de polars sociétaux…
Mon nom à moi, c'est Jacques ; je n'ai que quatorze ans mais, attention à celui qui me cherche, car, même si je ne ressens pas la douleur, la haine a déjà envahi mon âme.Jacques
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