Exilés à Ploumanac’h Vermoh au fin fond des Côtes d'Armor après leur précédente aventure, San-Antonio et Bérurier auraient pu s'ennuyer à mourir en distribuant des mandales à des voleurs de disques si le syndicat d’initiative local n’avait organisé quelques festivités macabres pour rompre la monotonie.
Le premier macab’ est un marin du cru, Jean-Yves Katkarre, retrouvé infusant entre deux chaluts… L’affaire aurait tôt fait d’être classée s’il n’avait les poumons remplis d’eau douce… Le second est le gardien du phare breton qui a bizarrement explosé suite à une pré-revendication de l’O.L.B…
Et ce n’était que le début d’un gros sac de nœuds où vont se mêler politique, coups fourrés et complots internationaux… Tout un programme !
Il fallait une certaine dose d’audace ou d’inconscience pour se lancer dans une adaptation de San-Antonio en bande-dessinée… Comment transposer au neuvième art la gouaille irrésistible de Frédéric Dard, ses calambours osés, ses contrepèteries osées, ses dialogues truculents, son sens de la dérision et de la digression impromptue, son humour mordant et son ironie féroce ? Impossible ? Ou alors sur un malentendu, comme l’avait fait l’auteur sur
San-Antonio chez les Gones… Et pourtant, Michaël Sanlaville parvient une fois encore à retranscrire avec force l’esprit du romancier.
Après un premier tome aussi truculent que jubilatoire, Michaël Sanlaville rempile donc pour nous proposer l’enquête bretonnante de San-Antonio… Adaptation du roman éponyme de Frédéric Dard, le scénario force sans vergogne et sans honte le trait, dépeignant la Bretagne comme une région d’alcooliques (et ce dès la première planches où l’on voit un chat ivre mort vomir sur le capot d’une voiture) amateurs de beurre (avec une scène marquante où une bretonne en costume traditionnel lape jusqu’à la dernière goutte de beurre dégoulinant de crêpes cuisinées, peut-être avec amour, mais surtout avec du beurre, sans doute salé, dont elle vient de se baffrer avec une élégance toute régionale).
Michaël Sanlaville fait partie de ces auteurs bougrement doués dont le trait souple, sensuel et dynamique est un enchantement pour les mirettes. De
Rocher Rouge à
Hollywood Jan en passant par
Last Man qui l’a fait rentrer dans la cour des grands, l’auteur n’en fini plus de nous étonner, mieux, de nous épater ! Et il en va de même avec ce San Antonio qu’il met en scène avec un plaisir jubilatoire et communicatif, invitant au passage des guest-star tel Renaud en voyou parisien artificier, Gainsbourg en cureton de campagne, Corto Maltes, le capitaine Hadock, B.B. version grassouillette, un Tintin recyclé en gendarme enrobé ou JP Mariel en Maire graveleux pour ne citer qu’eux (des fois que j’en oublie), sans omettre le bel Alain Delon (il vous en remercie) dans le rôle-titre…
Epousant au mieux l’action, son découpage est impressionnant, avec ces cases dont les contours s’adapte à la scène représentée, comme la mer au relief côtier alors que sa colorisation originale et lumineuse évoque par certains aspects celle de Dubout qui a signé de magnifiques couverture des romans de San-Antonio…
Amateurs de Frédéric Dard, ruez-vous sans tarder sur ce nouvel opus des aventures de San Antonio mis en image par le truculent Michaël Sanlaville, grand admirateur de l’œuvre, comme il le confesse avec humour dans la planche refermant l’album…
Son trait formidablement dynamique sait se faire sensuel et irrévérencieux pour interpréter avec un humour féroce et mordant l’impeccable partition du créateur du commissaire San-Antonio qui va se retrouver battu par les embruns à démêler l’écheveau d’une enquête particulièrement tordue…
Si ma tante en avait est un album dépaysant à plus d’un titre, à dévorer sans attendre mais à ne pas lire sur les plages recouverte d’algues vertes et de mouettes mazoutées de Bretagne, des fois que vous croisiez la route d’un repenti alcoolique de l’O.L.B… Ah moins que vous n’ayez très envie d’avoir votre quart d’heure de célébrité… à titre posthume…
J’ai froid, tout à cop un immense besoin de soleil m’investit. Je donnerais bien vingt ans de ta vie pour être à la terrasse d’un café, dans une île grecque, n’importe laquelle, et y bouffer un fromage aigre en regardant le bleu et le blanc environnant.San-Antonio