Après ces troublants Contes ordinaires d'une société résignée, Ersin Karabulut revient pour nous proposer un nouveau recueil de contes sombrement dérangeants…

Avec une acuité saisissante, l’auteur turc porte sur nos sociétés un regard lucide et désabusé, pointant leurs travers de façon savoureusement décalée à travers neuf récits auquel il donne les allures de contes… Si certaines de ces histoires courtes s’adressent sans doute d’avantage à des lecteurs turcs, leur propos a une portée universelle, le rendant tout aussi intelligible que pertinent pour les lecteurs occidentaux…

Sous des apparences de fables flirtant parfois avec l’absurde, Ersin Karabulut aborde de façon délicieusement métaphorique des problèmes de société bien plus profond qu’il n’y paraît au prime abord… Car la situation politique en Turquie est telle que, ne pouvant aborder certains sujets de front, il soit obligé d’emprunter des chemins de traverses pour contourner la censure ou l’autocensure qui pèse sur les médias, comme Jean de La Fontaine avait dû le faire pour ne pas s’attirer les foudres des puissants de son siècle…

Son dessin subtilement caricatural est une petite merveille d’expressivité, faisant passer une foule d’émotions par un regard une moue dubitative… Il serait par ailleurs dommage d’enchaîner les neuf contes qui composent ce recueil sans laisser à chacun le temps de décanter, de faire son chemin dans notre esprit et de laisser la petite graine plantée par l’auteur germer…

Ersin Karabulut nous propose un nouveau recueil de contes métaphoriques dans lesquels il se garde bien de donner une morale, laissant au lecteur le soin de trouver la sienne propre pour le forcer à s’interroger sur les travers de nos sociétés contemporaines, sclérosées par le conservatisme ou enchaîné à de nouvelles technologies censées faciliter les échanges entre les citoyens…

Sentinelle inquiète de son temps, à la manière d’un Georges Orwell, d’un La Fontaine ou d’un Costa Gavras, l’auteur continue de tenter de réveiller les consciences…

Jusqu'ici tout allait bien... est un petit bijou du neuvième art, salutaire et précieux…

Pourquoi devons-nous porter ces pierres ? Elles sont super lourdes !Bethy