Médéa, été 1938. Andrea coule des jours heureux et insouciants avec ses cousins, Martino et Cati. La fin de l’été approche lorsqu’ils entendent à la radio le discours de Mussolini qui instaure les lois raciales privant les juifs de leurs droits…

Alors que le régime se durcit et que toute l’Italie acclame le Duce, ses parents l’envoient à contre-cœur avec sa sœur Magda rejoindre leur tante en Amérique. Là, il tentera de revenir à une vie normale… Mais, hanté par les fantômes de son passé et rattrapé par le bruit des bombes et le fracas de la guerre, Andrea va endosser l’uniforme pour participer à la libération de l’Italie.

Huit années après son Nausicaa, l'autre Odyssée, le talentueux Andrea Serio revient avec Rhapsodie en bleu, librement adapté du roman de Silvia Cuttin.

C’est d’abord graphiquement que l’album attire le chaland avec cette couverture subtile qui se révèle peu à peu alors que nos yeux s’habituent à l’obscurité du bleu… Le bleu, couleur omniprésente d’un bout à l’autre de l’album, jusque dans son titre évoquant le chef d’œuvre de George Gershwin, concerto mêlant avec audace jazz et musique classique… L’artiste joue avec sa palette comme le compositeur improvisait avec son piano, glissant avec art du bleu lumineux et apaisant qui baigne l’époque insouciante des dernières vacances d’Andrea aux environ de Trieste aux bleus sombres et tourmentés, symbolisant un monde qui bascule peu à peu dans les ténèbres tandis que le fascisme plongeait le monde dans le chaos…

Subtil et délicat, son travail au pastel est tout juste somptueux, faisant ressentir au lecteur les émotions du narrateur alors que les évènements qui secouent l’Italie bouleversent à jamais le cours de son destin… Composée avec soin, chacune des cases de l’album est baignée d’une lumière saisissante et certaines évoquent de somptueux tableaux distillant avec art cette mélancolie étrange et pénétrante qui sous-tend le récit… Les scènes new-yorkaises, parenthèse heureuse avant son retour en Europe, évoquent le formidable travail du peintre américain Edward Hopper dont on retrouve les ambiances nostalgiques dans les pages de l’album…

On se laisse entraîner et pénétrer par ce récit tragiquement poétique où le fond et la forme se rejoignent pour nous conter le destin bouleversant d’un jeune homme insouciant dont la vie allait basculer alors qu’étaient promulgué les lois raciales à la veille de la guerre qui allait embraser le monde…

Evoquant le travail d’Edward Hopper, les planches d’Andrea Serio distillent une mélancolie confondante alors que son formidable travail sur la lumière conjugué à un usage subtil et délicat d’une saisissante palette de bleu retranscrit avec justesse les émotions de l’infortuné héros…

Rhapsodie en bleu est un album graphiquement sublime et si bouleversant qu’on l’achève les yeux baignés de larmes…