Deux bateleurs arpentent le royaume pour y conter les aventures de Renart et de son compère Ysengrin… Mais leur public est exigeant et ne souhaite pas entendre ces récits qu’ils ont déjà maintes et maintes fois entendues… Pour répondre à leurs légitimes envies de fantasy et de fantaisie, Blaise se propose de leur narrer une aventure véridique qu’il est formellement interdit de transmettre et dont l’original serait précieusement conservé sous clef dans quelque enfer du Vatican…
Après que les puissants et les manants aient décidé de châtier le goupil pour ses coups pendables, après un procès royal mais expéditif, ce dernier est condamné à mort… Personne ne désirant exécuter la sentence, au cas où Renart serait véritablement un diable, il est précipité dans un puits qui, dit-on, conduit tout droit en enfer… Là, il surprend Merlin et sa compagne, Marie de France, dans une violente dispute avec son paternel, le Diable, et sa belle-mère, la Mort…
En laissant ses oreilles traîner, il apprend que la Mort, très en colère, est bien décidée à endormir Merlin pour pouvoir se débarrasser du règne animal dans son ensemble en toute tranquillité… Voilà donc Renart qui remonte à la surface avec la ferme intention de sauver le monde… Mais comment trouver de l’aide quand on est universellement reconnu comme un fieffé coquin qui plus est plus menteur comme qu’un arracheur de dents ? M’est avis que le sort de l’humanité est quelque peu compromis…
Si le nom évoque le roman de Renart, récit médiéval hétéroclite attribué à des hommes d’église et qui brossait un portrait au vitriol des nobles, des marchands et des bourgeois, se moquant vertement de Dieu et de la religion, le scénariste lorgne aussi clairement vers cet autre récit médiéval : La Chanson de Roland, chanson de geste aux origines incertaines… S’abreuvant à ces deux impérissables chefs d’œuvres fort anciens, Joann Sfar fait entrer Merlin, figure majeure de l’imaginaire médiéval, dans la danse en compagnie de Marie de France, poétesse dont les écrits estompaient la frontière entre l’histoire et la légende… Avec ces pièces hétéroclites, l’auteur créé un récit d’heroic-fantasy jubilatoire aussi azimuté que parfaitement assumé…
On y retrouve le Renart du roman : fourbe, rusé, débauché, égoïste, manquant de peu de faire rôtir l’un des enfants d’Ysengrin pour nourrir sa famille et boulottant au passage quelques personnages secondaires pour assouvir sa faim… Noble mais miséreux, il ligue contre lui les faibles et les puissants et il n’y a guère qu’Ysengrin qui le considère comme son ami, malgré ses frasques et les coups de canifs à deux mains fait à leur tacite contrat d’amitié… Mais le prolifique scénariste va en faire un héros, maniant la flamberge tout autant que le verbe, s’étant donné pour mission de sauver le monde de l’apocalypse imminente souhaitée par la Mort elle-même, quelque peu rancunière il est vrai…
Le récit de ses aventures est délicieusement entrecoupé par les deux bateleurs qui narrent son histoire à un auditoire exigeant mais conquis, comme nous le sommes aussi, tout lecteurs que nous sommes…
Côté dessin, on retrouve le trait vif et spontané si caractéristique de l’œuvre de Joann Sfar… Privilégiant l’efficacité à la beauté, l’artiste met en scène avec un plaisir jubilatoire une foisonnante galerie de personnages expressifs et totalement barrés, tel ce Takka, cancre patenté de l’école de magie et amoureux transit de la belle et orgueilleuse Marie de France, compagne de son professeur… L’auteur compose des vignettes hilarantes qui complètent des dialogues et des récitatifs aussi savoureux que truculents…
Mélangeant avec audace et inventivité chanson de gestes et fabliaux médiévaux, Joann Sfar revisite sans vergogne les classiques de la littérature médiévale, invitant Merlin et la poétesse Marie de France dans la danse pour tisser un récit d’heroïc-fantasy joyeusement barré…
On y retrouve avec un plaisir de gourmet le tristement célèbre Renart, rusé et fieffé coquin que ses frasques et irrévérences ont mis en bien fâcheuses posture : condamné à mort, il est jeté au fond d’un puits conduisant tout droit en enfer… Là, il apprend que la Mort, belle-mère de Merlin, ourdit un sombre complot contre le genre animal en général pour se venger de l’impertinence de Marie, compagne et amante de l’enchanteur, et du règne animal dans son ensemble, pour faire bonne mesure… Dès lors, il se donne pour mission de sauver le monde… Et convaincre le monde incrédule de l’imminence de sa fin ne sera pas facile quand on a la réputation d‘être un menteur patenté !
Le prolifique auteur signe un récit drôlement entraînant riche en surprenantes surprises et en rebondissements impromptus… Ce premier tome est indéniablement une réussite et il nous tarde de lire les prochaines aventures de Renart, de son malheureux compère Ysengrin, de Marie de France et de Takka, irrésistible cancre et amoureux transi…
- Renart, tu es zinzin ? Déjà, tu profites de mon absence pour envahir mon logis avec ta tribu, tu mets à mal un mobilier hérité du temps où mes ancêtres étaient des commerçants fortunés, et voilà que tu t’apprêtes à…
- Dis-Le. Manger un de tes fils. Oui. Pardon. D’ailleurs si tu veux, j’arrête.dialogue entre Ysengrin et Renart
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