Mai 1940. Georges Colin sert comme sergent dans un régiment du train qui tente de monter au front pour ravitailler une unité combattante… Mais la percée allemande a jeté des millions de français sur les routes de l’exode, rendant leur progression particulièrement difficile. Bientôt, il faut se rendre à l’évidence : l’armée française est en déroute et dans le chaos ambiant, leur mission devient caduque… Après un raid aérien, son unité est faite prisonnière. Désireux de ne pas moisir dans un camp, Colin et l’un de ses camarades vont profiter de la nuit pour s’évader.

Colin rejoint Saint-Maur-des-Fossés et l’entreprise de transport familiale qu’il dirigeait avant-guerre… Avec le seul camion non réquisitionné, il entreprend des trajets de part et d’autre de la ligne de démarcation pour relancer son activité. De fil en aiguille, il se retrouve à faire transiter illégalement du courrier d’une zone à l’autre… Sans en avoir conscience, il va peu à peu entrer en résistance contre l’occupant alors que vont être promulguée les premières lois anti-juives...

Thierry Dubois signe un premier tome captivant qui nous entraîne dans les coulisses de la débâcle de 1940. Solidement documenté, son scénario prend le temps de planter le décor et les personnages, des gens ordinaires qui vont devoir s’adapter pour survivre dans cette période tourmentée qui marque le début de l’occupation allemande. S’il endosse l’uniforme au début de l’histoire, Georges Colin n’a rien de la figure du héros. C’est presque naturellement qu’il accepte de transporter illégalement du courrier de part et d’autre de la ligne de démarcation et qu’il va, par petites touches, glisser vers la clandestinité. Loin d’être manichéens, chacun des protagonistes de l’histoire oscille entre gris clair et gris foncé, donnant la mesure de la complexité de l’époque alors que l’Allemagne allait peu à peu imposer ses règles à la France vaincue…

Le trait classique de Jérôme Phalippou rend clairement hommage à la BD franco-belge en général et à la ligne claire en particulier, même si la colorisation nuancée de Patrick Larme lui apporte renforce la modernité de ses compositions. Les cases de l’album fourmillent de détails qui ancre le récit dans cette époque troublée et donne à voir et à ressentir le bordel désorganisé de l’exode de façon saisissante… Les crayons de l’artiste retranscrivent avec justesse les émotions des différents personnages et l’on comprend l’émoi qu’a pu faire naître le regard lumineux et le sourire désarmant de Marie-Jeanne dans le cœur de Georges Colin… Le dessinateur s’est amusé à truffer ses planches de références à l’âge d’or de la BD franco-belge, donnant aux figurants les traits de ses héros emblématiques, du Conte de Champignac, à Fantasio en passant par Du Plumier, Brousaille, Jordan et l’inspecteur Crouton ou Benoît Brisefer…

Avec ce premier tome du Merlu, Thierry Dubois et Jérôme Phalippou nous entraînent dans la France des années 40 alors que des millions de civils se jetaient sur les routes de l’exode pour fuir l’avancée de l’armée allemande…

Si le cadre historique s’avère solide et retranscrit avec force l’impressionnante pagaille qui régnait au soir de la défaite, les auteurs nous proposent de raconter la grande Histoire à travers le destin individuel de personnages ordinaires jetés dans la tourmente… Georges Colin n’est pas plus qu’un autre destiné à devenir un héros… Pourtant, alors que d’autres collaborent avec entrain avec l’occupant, il va glisser peu à peu vers la Résistance, par petites touches…

Les Routes de la défaite amorce un récit historique et romanesque particulièrement entraînant… A noter que Canal BD propose un tirage spécial avec dos toilé, couverture originale délicieusement désuète et cahier graphique… Mais, comme vous pouvez vous en douter, il est presque épuisé ! Alors dépêchez-vous !

- Hem ! Tu veux bien nous laisser Marie-Jeanne, j’ai deux mots à dire à Georges.
- Heuuu… N’allez pas vous faire des idées, Maurice hein ! Je sais bien que…
- C’est pas pour ça gamin… J’aurais un service à te demander… J’aimerai te confier cette sacoche pour un ami à Lux… Avec cette maudite ligne de démarcation, le courrier ne passe plus entre cette zone et l’autre.
- Comptez sur moi, Maurice, je vous dois bien ça !dialogue entre Maurice, père de Marie-Jeanne, et Georges