Rios Rosas, 1886. Les choses ne semblent pas prêtes de s’arranger pour Lino et Vinz… Le duel retentissant durant lequel Angelino a atomisé son adversaire a réveillé de vieilles rancœurs aux relents racistes et un groupe de type à la mine patibulaire compte bien se servir de ces tragiques événements pour les mettre aux arrêts…

Malgré les apparences, Vinz n’a rien d’une tête brûlée et, constatant qu’ils sont coincés comme des rats, pensent qu’il serait préférable de se rendre aux autorités… Mais Lino ne l’entend pas de cette oreille… S’engage alors un combat dantesque durant lesquels les nouvelles aptitudes d’Angelino vont se montrer particulièrement dévastatrice et permettra aux deux compères de jouer la fille de l’air, entraînant dans leur sillage tout ce que le coin compte comme chasseur de primes…

Après un premier tome aussi surprenant que jubilatoire, c’est avec une impatience jubilatoire que nous attendions la suite de cette délicieuse et décapante uchronie dans laquelle Run revisitait son chef d’œuvre en l’accommodant à la sauce western… Ce second opus s’éloigne un peu plus de l’œuvre originelle en s’ancrant un peu plus dans l’ouest sauvage américain, à cette époque où tout se réglait par avec un peu de poudre et de testostérone…

Dès la première page, Run met en exergue le racisme sur lequel a été construit cette nation et la seconde partie de l’album montre bien comment les colons européens ont d’abord pactisé avec les natifs avant de se retourner contre eux quand ils étaient suffisamment nombreux pour ne plus les craindre… Le discours des indiens qui recueillent Vinz et Lino après leur fuite s’avère froidement lucide et indéniablement percutant…

Mais ce second tome n’est pas qu’un pamphlet acerbe contre le pays de l’Oncle Sam, c’est aussi et surtout un nouvel épisode du déjanté et inventif Mutafukaz ! Passé la scène d’ouverture, place à l’action débridée avec un combat totalement hallucinant qui n’est pas sans évoquer par certains aspects l’assaut du « Nid Rouge » à Choisy-le-Roi où Jules Bonnot s’était réfugié pour son baroud d’honneur…

Simon Hutt fait montre de son saisissant sens de la mise en scène en chorégraphiant cette séquence de façon ébouriffante tant de par son découpage incroyablement dynamique que par ses cadrages vertigineux et virtuoses dignes d’un Quentin Tarantino, avec un petit détour du côté du fameux « dead eye » de Read Dead Redemption, petit chef d’œuvre vidéoludique de Rockstar Games… Mais le dessinateur s’avère tout aussi convainquant lorsqu’il s’agit de mettre en scène des paysages somptueux ou le discours grave des indiens, ponctué comme il se doit par des saillies irrésistibles et angoissées de Vinz ou Lino…

Seule petite ombre au tableau : l’édition de ce second tome est plus « classique » et on regrette un brin l’édition hallucinante du premier opus avec son titre embossé rehaussé de dorures… Oui, je sais, on n’est rien que des lecteurs pourris-gâtés… mais on assume !

Totalement conquis par le premier opus, nous le sommes tout autant par ce second tome qui s’amorce par une séquence d’action hallucinante et hallucinée mise en images avec maestria par l’impressionnant Simon Hutt…

Run explore ce nouveau terrain de jeu avec un plaisir semble-t-il jubilatoire, mettant en exergue avec un humour mordant les zones d’ombre de cette Amérique qui le fascine et le répugne tout à la fois… Renforçant son ancrage dans le western dont il utilise et détourne les codes avec jubilation, son récit s’éloigne de la série originelle pour nous proposer une histoire bougrement originale dont on ne peut qu’attendre la suite avec impatience…

Fusillades endiablées et explosives, poursuites à bride abattue sur des pistes poussiéreuses, inquiétantes rencontres avec des natifs, dialogues irrésistibles et discours édifiants sont au menu de cette uchronie mutafikazienne…

Lino, réveille-toi, y’a comme une galère… C’est des indiens, on est foutus… Lino… Ils nous emmènent dans leur camp… Tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’ils vont nous rôtir, nous manger, Lino ! Nous dévorer le cœur… Mais avant ça, ils vont nous scalper et garder nos scalps en trophées…
- Okay, essayons de rester calmes…dialogues entre Vinz et Lino