Merlin n’étant plus qu’une statue de pierre, le monde perd peu à peu de sa magie et Ysengrin est déjà retourné à l’état sauvage… Ne pouvoir articuler des paroles intelligibles et se balader le cul à l’air n’est pas vraiment aux goûts de Renart… Aussi part-il avec Takka dans une folle quête pour sauver Merlin et la magie…
En chemin, après avoir tenté de délester le questeur d’impôt de ses monnaies sonnantes et trébuchantes, Renart et Takka sont arrêtés et jetés en prison… C’est le père du jeune homme, aveugle et kabbaliste qui vient les délivrer… Mais il faut se hâter car il doit retourner en sa Cité pour y être giflé par un chrétien en place publique et permettre à sa communauté de vivre dans le ghetto qui leur est réservé… Les connaissances occultes du vieil homme permettront-elles de déstatufier le grand enchanteur que fut Merlin ?
Trouvant, à juste titre, la coutume absurde, Renart s’en va trouver le Pape en son palais pour lui expliquer son point de vue, provoquant l’ire de ses conseillers… Au grand désespoir de la belle Sihloé qui s’attend à des représailles sur sa communauté…
C’est avec un plaisir jubilatoire que je me suis replongé dans ce moyen-âge fantasmatique imaginé par Sfar, auteur prolifique et inventeur intarissable de personnages hauts en couleurs, tours à tours formidablement attachants ou désespérément horripilants. Et parfois même concomitamment… A la manière des fables d’Esope, et plus tard de La Fontaine, il utilise les animaux pour dénoncer les travers de la société médiévale et, à travers elle, de la nôtre…
On retrouve bien évidement Renart, roublard et fieffé coquin, égoïste en menteur patenté… et personnage principal de la série, tout droit sorti du roman de Renart, l’épée à deux mains en plus… Lorsqu’il ne ment pas pour entourlouper ses interlocuteurs et, souvent, se tirer d’une situation pour le moins épineuse, il assène des vérités implacables à même d’ébranler un Pape qui reconnaît avec raison que parfois la vérité peut causer plus de dommages qu’un mensonge éhonté… Si personnages et décors sont pures inventions, l’auteur compose une cité papale qui semble s’inspirer de plusieurs villes emblématiques de Provence, à commencer par celle d’Avignon…
Et si son récit burlesque et romanesque semble n’être que pure fiction, l’élément le plus improbable s’avère quant à lui tristement véridique ! Au Moyen-Âge, les catholiques, oubliant au passage que Jésus fut juif et était annoncé par les textes tirés de l’Ancien Testament, considéraient les juifs comme déicides puisqu’ils avaient livré le Christ aux autorités romaines… Vindicatifs, les cathos adoptèrent la « charmante » coutume de faire gifler un juif de la ville par un chrétien en place publique le vendredi saint… Raison et religion n’ont pas souvent fait bon ménage…
Dans les pages de ce second opus, Sfar invite un chanteur paillard et truculent du nom de Florimont qui chante des vers de Maître François… On reconnaît bien évidemment les traits d’un célèbre chanteur et poète sétois, lui-même foutrement moyenâgeux, qui vécut dans à Paris, dans l’impasse Florimont, et à qui Sfar avait consacré une superbe et touchante exposition.
Son scénario foutraque et follement dynamique est mis en scène par le dessin spontané et follement rafraîchissant d’un artiste qui a toujours su privilégier le fond sur la forme… Ses crayons inspirés donnent vie à une foultitude de personnages, tous plus loufoques et joyeusement barrés les uns que les autres… mais au final si tragiquement et profondément humains qu’ils en deviennent particulièrement attachants…
Après un tome aussi rafraîchissant que jubilatoire, Joann Sfar poursuit ses aventures rocambolesques de Renart, goupil rusé et roublard tout droit sorti du roman médiéval éponyme qu’il mêle alégrement à la légende arthurienne et à la mystique kabbalistique…
Après avoir tenté de sauver le monde dans le premier opus, Renart, sans Ysengrin qui est retourné à l’état sauvage, mais accompagné de Takka, cancre es magie, se donne pour but de réenchanter le monde, privé de Magie par la pétrification inopinée de Merlin…
Drôle et truculent, La Magie sans Miracle referme un premier cycle enthousiasmant… Mais au regard du plaisir que nous avons pris à dévorer cet album rafraîchissant et gentiment irrévé-rencieux, on ne peut qu’espérer que Renart ceigne à nouveau sa flamberge pour quelques aven-tures espiègles et cruelles pleines de saillies irrésistibles et de rebondissements impromp-tues…
- Tu n’aurais pas dû faire ça.
- Quoi ? J’ai sauvé ton pucelage et sans doute ta vie.
- En disant des mensonges.
- Non, en racontant n’importe quoi à deux débiles.
- Tu ne mesures pas les conséquences de ce type de rumeurs par ici.dialogue entre Shiloé et Renart