Une nouvelle année commence pour Martin, Edwige, Erwan et Fred. Une nouvelle année où ils devront subir les brimades et les moqueries des autres collégiens qui les trouvent… trop différents… Edwige est une élève surdouée, Erwan un bricoleur de génie et Fred une musicos… Quant à Martin… Martin manie l’ironie avec art… Pour tenir le coup, ils ont fondé le Club des Inadapté.e.s dont le QG est une cabane dans la forêt…
Mais, peu après la rentrée, Erwan est tabassé et finit à l’hôpital… Lorsqu’il ressort, il décide de fabriquer un appareil à même d’égaliser les malheurs : l’Egalizor 4000 et se pique de le faire fonctionner en le planquant dans le faux-plafond des toilettes du collège. Et ça marche ! Des personnes populaires sont victimes d’accidents plus ou moins tragiques alors que les membres du club semblent relativement épargnés par la scoumoune !
Voilà un album bougrement sympathique qui s’intéresse à ceux qui ne font souvent que de la figuration dans les histoires : les laissés pour compte, les sans grades, les inadaptés… Bousculés, harcelés par les autres collégiens, ils formant une joyeuse bande d’amis. Plus qu’une bande même ! un véritable club… Unis dans l’adversité, ils s’efforcent de traverser les années collège comme d’autres affrontent des tempêtes, perdus au milieu d’un océan de malheurs petits ou grands…
On s’attache bien vite à chacun d’entre eux, de Martin, orphelin de mère dont le père médecin sort péniblement de sa dépression et délaisse quelque peu son fils en passant par Edwige dont le paternel se retrouve au chômage alors qu’ils avaient déjà du mal à finir le mois.
Mais les autres personnages de l’album ne sont pas en reste, tel le père un peu paumé qui reçoit ses patients en pyjama mais qui, lorsque son fils en aura besoin, saura trouver les mots justes pour adoucir sa peine… ou cette prof au look surprenant qui s’est donné pour but de faire aimer les maths à ses élèves mais qui sera rapidement sanctionné, tant pour ses méthodes pédagogiques peu orthodoxes que pour sa capacité à arriver au bahut déjà bien imbibée… La façon dont Martin va prendre sa défense s’avère joyeusement décalée et provoquera, on s’en doute, la colère du principal…
La force du récit est de parvenir à faire rire en s’appuyant sur des situations tragiques grâce à l’ironie désabusée frôlant l’humour noir de Martin qui, endossant le rôle du narrateur, s’avère plus touchant encore que les autres membres du club…
Le dessin faussement naïf de Cati Bour s’avère plein de douceur, atténuant la dureté de certains faits plus évoqués que montrés.
L’autrice fait montre d’une grande inventivité dans sa mise en scène, notamment lorsqu’il s’agit d’exposer le plan faussement machiavélique de Fred pour répartir le malheur de façon plus équitable.
Après nous avoir tocuhé avec ses Quatre Sœurs, Cati Baur nous entraîne dans le quotidien d’ados un peu à part moqués par leurs pairs et qui ont bien des difficultés à s’accepter et à trouver sa place dans un monde qu’ils jugent hostile…
Bien qu’abordant des thèmes graves et tristement d’actualité tel que la violence scolaire ou le harcèlement, l’autrice suisse signe une jubilatoire adaptation du roman éponyme. Chacun des personnages s’avère particulièrement attachant, à commencer par Martin, narrateur de cette histoire qui semble tellement crédible qu’on se demande s’il l’auteur, Martin (tiens, tiens) Page, n’a pas puisé dans son adolescence certains éléments du récit.
Donnant à réfléchir sur cet âge un peu ingrat où l’on se sent plus que jamais inadapté au monde qui nous entoure, l’album n’en est pas moins rafraîchissant et porteur d’une espérance revigorante…
Je sais pas ce que j’ai fait pour mériter ça.
- Rien.
T’as rien fait, et surtout t’as rien mérité.
- C’est pas juste, c’est tout.dialogue entre Erwan, Edwige, Martin et Fred