Voilà un an que Baldus et Alixe ont quitté l'Italie, traversant un royaume de France ravagé par la Grande Peste et la guerre de succession qui oppose l’Angleterre à la France.

Obsédés par la recherche du labyrinthe au cœur duquel le quatrième cavalier perdrait tous ses pouvoirs et pourrait être vaincu, ils sont traqués sans répits par le Seigneur Roland de Nerville, un chien de dieu mandaté par le Pape qui les croient responsable du fléau qui s’est abattu sur l’Europe. A Avignon , dans l’Enfer de la bibliothèque du Palais des Papes, Alixe exhume un grimoire rédigé par le moine Calustre et qui parle longuement du Quatrième Sceau de l’Apocalypse.

Alternant moments d’insouciance et de bonheur et crise de folie furieuse, leur quête les conduira de Strasbourg à Ardres, dans le nord du Royaume pour un final inattendu…

Dans de pandémie que nous traversons, ce dytique écrit à quatre mains par Cédric Simon et Eric Stalner nous entraînant dans une Europe ravagée par un indicible fléau prend un relief tout particulier…

Sa force est de mêler récit d’aventure épique, grand histoire, mystique chrétienne et croyances de façon inextricable… Lancés dans un road-movie médiéval à travers un royaume de France déchirée par la guerre et décimée par la Peste, les personnages de Baldus et d’Alixe s’avèrent tout à la fois originaux et tourmentés. L’une fuit la folie furieuse des hommes dont elle a été victime, désireux qu’ils étaient de trouver un responsable au fléau qui les frappaient. Le second est persuadé d’être à l’origine du mal qui ravage son temps et sa psyché tourmentée, abreuvée de mystique chrétienne, est persuadé d’être le Quatrième Cavalier de l’Apocalypse, incarnation de la mort et la pestilence. Au fil des pages, alors qu’Alixe cherche à le tempérer, les crises de Baldus se font de plus en plus fréquente, le faisant entrer dans une rage sanglante et meurtrière … Tôt ou tard, il devra affronter le démon qui le hante… La fin de l’album, tout à la fois grandiose, romantique et tragique… tout en portant en elle les germes de l’espoir de l’avènement d’un monde meilleur…

Ll’album est complété par des doubles pages figurant des cartes présentant le monde connu, l’arrivée de la peste ou sa tragique expansion…

Reconnaissable entre mille, le style romanesque d’Eric Stalner fait une fois de plus merveille. Ses visuels, sublimés par les subtiles couleurs de Claudia Palescandolo, s’étalant parfois sur une double page, sont tout juste somptueux et instaurent cette atmosphère oppressante qui devait alors régner sur l’Europe, bien que l’histoire nous entraîne dans un moyen-âge plus fantasmé s’inspirant des représentations que l’on se fait de l’époque. La mort et les ténèbres semblent marcher dans les pas de Baldus et Alixe, voir même les précéder… Le découpage ciselé du dessinateur met en images avec efficacité les scènes d’action et plus encore celles de combats dont la fréquence et l’intensité vont crescendo. Mais plus encore, il donne corps à la folie qui s’empare du jeune homme et retranscrit avec force la haine et la colère qui se répandent en lui, lui faisant perdre toute raison et tout discernement…

Pour finir, on ne peut que saluer le remarquable travail réalisé par l’artiste sur la couverture qui se doit d’être regardé en vis-à-vis de celle du premier tome, puisqu’elle représente la même scène, alors que le temps a passé et peut-être repris tous ses droits… Quant au miroir, on prétendait au moyen-âge que les démons s’y réfugiaient et que les briser libérait les mauvais esprits, désormais libre de perpétrer leurs sinistres méfaits… A moins que, brisé, il ne symbolise ce double maléfique dont on s’est débarrassé…

Avec le Labyrinthe et la Guerre, Cédric Simon et Eric Stalner referment leur sombre diptyque qui entraîne de jeunes gens dans une Europe ravagée par la Peste et une guerre qui devait durer cent ans… Alixe fuit la folie du monde alors que Baldus est hanté par sa propre démence, rongé par le remord de se croire responsable de l’arrivée du Fléau en occident.

Somptueusement mis en image par les talents conjugués du dessinateur et de la coloriste, Claudia Palescandolo, le récit mêle petite et grande histoire, baignant le tout de mystique chrétienne et ancrant ce faisant l’histoire dans son époque. Balayée par un vent de folie, l’album s’achève sur une note grandiose et tragiquement romanesque qui porte néanmoins en elle l’espoir d’un monde d’après…

Prenant un relief tout particulier en cette période de pandémie, cette Grande Peste est un diptyque historique et mystique particulièrement envoûtant…

- Mon père, je suis ici pour une raison précise.
- De quoi s’agit-il ?
- J’ai à vous entretenir au sujet d’un de vos frères qui vécut ici durant le VIIIe siècle. Un certain Calustre.
- ?! Calustre ?
- Laissez-moi vous montrer quelque chose. Cet objet vous est-il familier ?
- … Je… Laissez-moi consulter mes frères.dialogue entre Baldus et un moine

(*) Extrait de l’Apocalypse de Jean