Artiste talentueux, héros de guerre et amant de l’année, Kill Tête-de-Chien allait de succès en succès lorsque, victime d’un assassinat, il sombre dans un profond coma et ne semble survivre que grâce aux multiples machines auxquelles il est branché…
Profitant de sa situation, les nombreux bâtards qu’il a essaimé dans la galaxie s’introduisent par effraction dans son cerveau en morceau en quête de ses souvenirs via une procédure aussi expérimentale que dangereuse baptisée la « recollection ». Chacun d’entre eux le déteste pour les avoir abandonnés enfant avec leur mère… Aussi ne sont-ils ne sont pas là pour le sauver par amour filial mais pour récupérer ce qu’ils pensent leur être dû.
Mais au cours de leur exploration, ils vont découvrir que l’histoire de leur père, Kill Tête-de-Chien, est bien plus complexe que sa légende le laisse entendre…
Sorti à l’aube des années 80 après avoir été publiée dans les pages du mythique Metal Hurlant, Une Aventure de John Difool, rebaptisé depuis l’Incal, a profondément maqué les esprits et son époque et s’est rapidement imposée comme un monument de la BD de science-fiction. Pouvait-il en être autrement lorsque les auteurs de cette série chargée en symbolique alchimique ne sont autres que les géniaux Alexandro Jodorowsky et Mœbius dont la folie créatrice ne s’est jamais tarie…
Avec un plaisir jubilatoire, Brandon Thomas nous entraîne dans l’univers de la série-mère et plus particulièrement dans le cerveau morcelé façon puzzle de Kill Tête-de-Chien. Aussi déstabilisant que pouvait l’être l’œuvre originale, il tisse un récit éclaté plein de faux-semblant et de chausse-trappes scénaristiques. Car les souvenirs de Kill Tête-de-Chien sont brumeux et complexe, comme en témoigne l’excellente scène d’introduction avec ces rêves enchâssés les uns dans les autres qui brouillent d’emblée la frontière entre les songes, les fantasmes et la réalité. Et ce n’est que le début d‘une série de twist et de retournements de situation vertigineux. L’auteur semble prendre un plaisir jouissif à jouer avec nos nerfs, faisant vaciller le quatrième mur en s’adressant aux lecteurs dans ses récitatifs ou en se moquant de son propre scénario avec les commentaires délicieusement décalés des spectateurs regardant tomber les suicidés à Résurrection Allée.
Pour mettre en musique son scénario déjanté mais néanmoins philosophique, Brandon Thomas fait appel au talentueux Pete Woods, dessinateur de nombreux comics, à commencer par Deadpool (sur un scénario de Joe Kelly). Chacune des séquences de l’album font montre de sa saisissante inventivité. Ses compositions et sa façon de mettre en scène la psychée tourmentée de Kill Tête-de-Chien sont tout juste bluffantes et contribuent à nous faire perdre nos repères pour mieux nous surprendre et rendre plus passionnante encore cette immersion dans la tête de ce personnage iconoclaste aux mille et une vies…
Sans doute fascinés comme tout un chacun par l’impérissable chef d’œuvre des génialiscimes Alexandro Jodorowsky et Mœbius, Brandon Thomas et Pete Woods remettent en scène Kill Tête-de-Chien, personnage iconoclaste et insaisissable qui, après avoir eu une dent contre John Diffool, détective privé minable de classe (R), est devenu son fidèle compagnon et faire-valoir…
On le retrouve en fâcheuse posture puisqu’il passe toute l’histoire, ou presque, dans le coma… Et le récit proprement dit a lieu dans son esprit en miettes, alors que ses bâtards abandonnés s’y introduisent à l’aide d’une technologie expérimentale pour y chercher des souvenirs qui, pensent-ils, leur appartiennent…
La partition déjantée de Brandon Thomas est mise en image par les crayons virtuoses de Pete Woods qui donnent corps aux souvenirs et aux fantasmes du héros de façon bougrement convaincante…
Kill Tête-de-Chien est un récit psychédélique sous acide qui fait perdre au lecteur tous ses repères pour mieux le perdre et le surprendre…
- Mais… Ecoute… Je… J’y suis pour rien, cette fois. C’était littéralement l’enfer. C’est la vérité. J’ai rêvé que j’étais en enfer. Je me suis réveillé, et j’ai cru que je n’y étais plus, mais… J’y suis plus en enfer, hein ? Dis-le-moi franchement.
- … Euh, Kill, l’enfer, c’est bosser pour toi plus de dix minutes. En fait, t’as raison, on y est tous les deux.dialogue entre Kill Tête-de-Chien et Anna
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