



Après avoir publié
la Pyramide Oubliée dans sa version couleur et la version de 1975,
les Ombres de nulle part et
l’Horus Rouge, aventures de Victor Billetdoux, c’est tout naturellement que les Aventuriers de l’Etrange s’intéressent au récit avorté qui devait faire suite à ces trois enquêtes qui entraînaient les héros aux frontières du fantastique et de l’étrange :
les Voleurs de Lune.
Si la trame du récit de ce qui devait remettre en scène cet évanescent héros avait été écrit et si Pierre Wininger s’était comme de coutume solidement documenté, avait amorcé les recherches graphiques et s’était attelé au dessin de quelques planches, l’album devait rester dans ses cartons à dessin, l’auteur étant attiré par d’autres horizons…
Mais ce présent album ne propose pas uniquement un découpage synoptique de l’histoire des
Voleurs de Lune… Il revient sur la carrière trop brève d’un dessinateur talentueux et inventif qui en quelques albums était parvenu à imposer sa patte graphique et esquisser les contours d’un univers étrange et envoûtant auquel cet album rend hommage…

Difficile de ne pas être ému à la lecture des textes revenant sur les moments clefs de la vie de l’artiste, de sa venue au neuvième art, presque par hasard, de ce soucis du détail qui caractérise son œuvre et l’a poussé à redessiner près de la moitié d’un album après sa prépublication dans les pages de
Circus, le mythique magazine des toutes jeunes éditions Glénat, et avant sa publication en album pour que son trait soit cohérent du début à la dernière planche… S’ancrant au début du XXeme siècle pour des raisons esthétiques, la plus célèbre de ses séries s’inscrit dans la mouvance des aventures d’Adèle Blanc-Sec de Tardi qui lui est contemporaine et si l’ombre de Jean-Claude Forest, qu’il admirait, plane sur ses planches, Pierre Wininger a su développer un style propre caractérisé par un encrage d’une grande finesse et un saisissant travail sur les ombres et les posture de chacun des personnages qu’il mettait en scène.
On découvre avec émotion des planches méconnues de l’auteur, dont un court récit surréaliste publié dans les pages de
Charlie mensuel, ou encore cet hommage à Hergé publié dans
Circus et qui mettait en scène une dernière fois son Victor Billetdoux…
Si le synopsis du
Voleur de Lune s’avère captivant, ce sont les trois interviews de l’artiste proposés dans l’album qui apporte un éclairage édifiant sur son travail, sa vision et son approche du métier…

On ne peut que saluer l’intérêt que portent les Aventuriers de l’Etrange à Pierre Wininger dont les talents de conteur et de dessinateur ne cessent de fasciner.
Ses Aventures de Victor Billetdoux, où l’on voit le héros s’effacer au fil des pages, s’inscrit dans l’esprit de l’Adèle Blanc-Sec de Tardi. Et, si l’auteur ancre lui aussi ses histoire dans le XXe siècle naissant, c’est par choix purement esthétique… Ce présent album nous propose non seulement de découvrir le découpage synoptique des Voleurs de Lune agrémenté de recherches graphiques et de planches inédites, mais nous donne un aperçu saisissant de la trop brève carrière de l’artiste et de sa vision du métier d’auteur. L’ouvrage est par ailleurs complété de nombreux documents graphiques donnant la mesure de son talent ainsi que par trois entretiens passionnants accordé à divers magazines et fanzines et qui nous permettent de mieux comprendre sa démarche et de mieux cerner l’artiste
Les Voleurs de Lune s’avère être un album particulièrement touchant qui nous entraîne dans l’intimité d’un artiste au style envoûtant qui méritait d’être mis ainsi en lumière…
On construit « fonctionnel, économique et raisonnable » et après une sérieuse étude de marché plutôt que sur un coup de folie. La démesure n’est plus envisageable. Cette époque du début du siècle est en plus liée à un plaisir esthétique.Pierre Wininger