Fuyant le front, une troupe de soldats russe à trouvé refuge dans un manoir isolé pour signer les blessés, contre l’avis du lieutenant dirigeant les soldats qui ne leur accorde qu’un faible répit…

Dans les murs du manoir, avec la complicité de la maîtresse des lieux, se cache des gamins qu’elle tente de préserver de la violence du monde. Mais leur havre de paix peut bien vite se transformer en enfer… Alors que la Dernière Ombre, chargée de recueillir l’âme des mourants dans la boue des tranchées, arpente les couloirs et protège la maisonnée, l’ancien capitaine Zvoga prend sur lui d’éliminer son supérieur pour donner une chance aux blessés de survivre…

Mais, quelques jours plus tard, alors qu’une tempête se déchaîne, la nourriture se fait rare. Jugeant qu’il suffirait de supprimer les blessés pour que les hommes valides puissent survivre, des soldats fomentent une mutinerie dont on peut deviner les tragiques conséquences…

Le spectre de la guerre s’apprête à embraser notre petite communauté…

Denis-Pierre Filippi signe avec ce diptyque un scénario envoûtant, tour à tour sombre et lumineux qui nous entraîne à la lisière du fantastique et aborde la guerre, à travers l’imaginaire enfantin, source de résilience… Car, sur le sang et la boue et la folie des hommes, peut germer la graine de l’espoir… Cet étrange et capiteux mélange s’avère tout juste parfait alors que le contexte n’est pas sans évoquer le troublant et dérangeant Labyrinthe de Pan, chef d’œuvre de Guillermo del Toro…

Après un premier tome surprenant mais fascinant où l’on découvrait cette interlope bande de gamins qui vivent en marge du monde des adultes, on comprend dès les premières pages de ce second chapitre que la situation ne va pas tarder à déraper… Mais les gamins en sont encore inconscients… Si le récit est tout à la fois touchant et déstabilisant, la séquence durant laquelle, ils vont tour à tour raconter un conte à leurs camarades s’avère des plus poignante… Par le truchement d’un subtil décalage entre le propos et l’image, chaque récit révèlera implicitement les tragiques évènements qu’ils ont vécu avant que de se retrouver à l’abris entre les murs de cet imposant manoir. Cet artifice narratif rend chaque histoire bouleversante, jusqu’à ce que celui de Pétra nous ébranle davantage encore… alors même qu’elle n’en raconte rien… Quel formidable conteur que ce Denis-Pierre Filippi !

Gaspard Yvan n’est pas un nouveau venu dans le neuvième art : il a déjà colorisé avec talent les Voyages Extraordinaires ou Les Mondes cachés, tous deux dessinés par Silvio Camboni et scénarisés par un certain Denis-Pierre Filippi… Mais c’est en tant que dessinateur qu’il officie ici pour la première fois… Et il suffit de poser les yeux sur les deux somptueuses couvertures de ce diptyque qui se répondent avec finesse pour comprendre quel formidable artiste il est ! Ses planches sont à l’avenant : mis en valeur par un découpage ample et aéré, chaque case s’avère composée avec le plus grand soin et l’élégance et la sensibilité de son trait sont mises en valeur par un encrage souple et une mise en couleur fascinante qui atténue la noirceur de l’histoire et distille avec parcimonie cette ambiance équivoque à la lisière du réel. On accepte étrangement ses incursions fantastiques qui voit les hommes cédant à la noirceur de la violence se transformer en monstres inquiétants tous droit sortis de l’enfer. Révélé par cette série étrangement irréelle, il y a fort à parier que Gaspard Yvan fera parler de lui dans un avenir proche tant son talent impressionne…

Récit troublant et dérangeant, la Dernière Ombre estompent la frontière ténue séparant un réel trop souvent terrifiant du songe qui offre un refuge apaisant mais fragile…

Alors qu’au dehors la guerre fait rage, des soldats russes se réfugient dans un manoir hanté par la Dernière Ombre dont les combattants affirment qu’elle fait passer les blessés de vie à trépas… Là, réfugiés dans leur imaginaire, vivent une poignée d’orphelins, en marge du monde des adultes et des horreurs de la guerre, sans savoir qu’ils vont se trouver au cœur d’une tempête qui risque de tout emporter…

Le récit irréel de Denis-Pierre Filippi aborde la guerre et la Révolution Russe par le biais étrange et envoûtant du conte fantastique et ce fascinant diptyque où les adultes semblent être des démons tous droits sortis de l’enfer… En plus des indéniable talents de conteur du scénariste, la série nous révèle l’impressionnante maîtrise graphique de Gaspard Yvan dont le style élégant force l’admiration… Et il va sans dire que nous attendons ses prochaines créations avec certaine impatience !

C’est vrai ce que les soldats disent sur toi ? Que tu es la dernière ombre que les blessés voient… Avant de mourir ?
- Oui.dialogue entre Natalia et la Dernière Ombre