La dernière enquête Ethan Reckless l’a conduit dans la Bibliothèque Publique de Santa Monica pour chercher des informations sur un soi-disant suicidé aperçu, il y a peu, bien vivant. C’est là qu’il a fait la connaissance de Linh Tran qui devait partager sa vie pendant quelques temps…
Un jour, alors qu’ils regardaient ensemble une antique bobine de 16 mm dans le vieux cinéma dont Ethan est propriétaire, Linh reconnaît l’une des figurantes du film : ce n’est autre que sa sœur, qui se rêvait actrice et qui a rejoint les dossiers des personnes disparues il y a près de huit ans…
C’est presque sans aucune piste qu’Ethan va enquêter sur cette étrange disparition, comprenant au fil de l’enquête que cette sordide affaire allait marquer la fin de son idylle…
Il est de auteurs dont la seule présence au générique d’un album rendent son achat indispensable… Ed Brubaker et Sean Phillips sont de cette trempe-là. Et, après un premier tome particulièrement fascinant, cette seconde enquête d’Ethan Reckless, ancien activiste et agent infiltré viré du FBI et reconverti en détective privé, faisait partie des albums les plus attendus par les amateurs de polar sombres et tourmentés…
Cette nouvelle enquête nous entraînera dans les coulisses peu reluisantes de l’Hollywood de la fin des années 70, dans le sillage de Charles Manson et de sa sinistre « Famille ».
Reprenant les codes du premier tome, la structure de l’album s’avère classique mais bougrement efficace : l’album s’ouvre sur une séquence où l’on retrouve Ethan en bien fâcheuse posture : blessé et désarmé avec une bande de skinhead désireux de le buter… Le reste de l’album est un long flashback, dans lequel sont enchâssés d’autres flashbacks… Cet artifice narratif happe d’emblée le lecteur qui souhaite savoir comment ce héros désabusé est arrivé à se mettre dans pareil situation…
Et pourtant… le talent conjugué de Ed Brubaker et Sean Phillips (qui sont tous deux, à leur manière, de formidables conteurs) aidant, on en oublie presque l’amorce initiale, tant leur récit s’avère captivant, rythmé par des monologues percutants trahissant le cynisme du héros et sa misanthropie désabusée et soulignant le regard qu’il porte sur ce monde en déliquescence… Ce n’est qu’en toute fin d’album que les évènements du premier chapitre nous reviennent en pleine gueule, alors que se profile la dramatique conclusion de ce récit particulièrement sombre et on ne peut plus tourmenté.
Dessinateur comme scénariste maîtrisent parfaitement les codes du polar et en jouent avec art pour poser cette atmosphère poisseuse et étouffante qui baigne l’ensemble de l’album. Porté par des personnages remarquablement bien construits et des dialogues et des récitatifs particulièrement bien écrits, cette nouvelle enquête d’Ethan Reckless s’avère solidement charpentée et nous entraîne dans les recoins les plus sombres de l’âme humaine. Les différents éléments qui la composent s’imbriquent parfaitement les uns avec les autres, composant la mosaïque malsaine et inquiétante d’une époque tourmentée.
Le travail de Sean Phillips est une fois encore impressionnant de maîtrise. Son découpage, clinique, s’inscrivant dans une veine classique, on ne peut qu’être impressionné par la virtuosité de ses cadrages qui accentuent la tension et l’ambiance oppressante de l’album avec une aisance désarmante.
Faisant la part belle aux ombres, son encrage renforce la dimension dramatique de ce récit implacable marquant la fin de l’utopie hippie. Renforçant la dramaturgie de chaque scène, la colorisation de Jacob Phillips, fils du dessinateur, est, elle aussi, une petite merveille de sobriété et d’efficacité.
Second volume de la série Reckless, L'Envoyé du Diable est un polar aussi fascinant qu’inquiétant où deux auteurs au sommet de leur art font montre de leur parfaite connaissance des codes du genre pour tisser un récit particulièrement sombre et désespéré.
Dans cette sordide et sulfureuse affaire, Ethan Reckless, ancien agent infiltré du FBI reconverti en détective privé, va enquêter sur la disparition d’une actrice et découvrir les coulisses peu reluisantes d’Hollywood, alors que l’utopie hippie agonise…
L’écriture ciselée de Ed Brubaker conjugué au talent de dessinateur de Sean Phillips dont les cadrages virtuoses forcent l’admiration, posent avec une redoutable efficacité cette ambiance glauque et oppressante qui rend ce second opus de Reckless absolument indispensable pour tout amateur de polars.
Quand je pense au milieu des années 80, ça me ramène surtout à toute la mauvaise came et à cette musique avec laquelle je ne pensais pas qu’on allait rester coincés pour le restant de nos jours. Des groupes avec des cheveux longs et des claviers criards. Des boîtes à rythmes. Depeche Mode, Duran Duran, la musique de cocaïne et des promesses en l’air. C’était une triste époque pour la pop culture et la mode qui allait avec. Et une époque plus triste encore pour le monde tout autour.Ethan Reckless