Au cœur d’une sombre forêt se trouve un château où habite une terrifiante sorcière qui possède le don de se métamorphoser à volonté. Elle empêche quiconque de s’approcher de son antre, transformant les jeunes femmes en oiseau et pétrifiant les princes cherchant à les délivrer…

Lorinn et Lorinndell s’aiment d’amour tendre et projettent de se marier. Mais, aveuglé par leur amour, ils s’approchent imprudemment de la forteresse. La sorcière pétrifie Lorinndell et capture la belle Lorinn qu’elle change en oiseau et enferme dans une cage, avant de libérer son tendre ami et de lui promettre mille tourments s’il revenait en ces lieux…

Désespéré, le jeune homme se fait berger et ne peut que regarder de loin le château menaçant, sous peine de se voir pétrifier à jamais. Mais, alors qu’il dort d’un sommeil agité, il a la vision d’une fleur sublime qui pourrait venir à bout de la sorcière et de ses sortilèges et délivrer sa bien-aimée du maléfices…

Après avoir trouvé la fameuse fleur après une longue et harassante quête, il pénètre dans le château et trouve l’immense salle où la sorcière entrepose les cages contenant les oiseaux. Mais comment reconnaître sa Lorinn parmi tous les volatiles?

C’est une fois encore un conte méconnu des célèbres Frères Grimm que les Aventuriers de l’Etrange se proposent de mettre en lumière… Pour ces linguistes allemands les collecteurs d’histoires, Jorinde et Joringel revêtait tous les atours du conte idéal.

Mais si la musique est bel et bien des frères Grimm, Maurizia Rubino interprète la partition en y apportant son univers et sa sensibilité. Elle conserve comme il se doit l’ossature du conte originel mais son dessin plein d’élégance et ses merveilleuses couleurs accentuent avec délice l’onirisme de l’histoire.

De par l’évidente proximité des prénoms des deux jeunes, on comprend combien leur amour est fusionnel, trop peut-être ? Présentant des similitudes avec celle de Hansel et Gretel, la sorcière aux yeux jaunes se veut protectrice, désireuse de défendre les belles princesses contre la prédation des jeunes princes et la présence éminemment symbolique de cette fleur rouge ne semble guère équivoque… Mais peut-on protéger une jeune fille de la puissance de ses sentiments en la mettant sous cloche de verre ou dans une cage, fut-elle dorée ? Chacun pourra interpréter ce récit à sa guise, de la nature de ce château et de cette sorcière polymorphe en passant par la scène finale qui voit les amoureux délivrer ces princesses prisonnières grâce à la force et la pureté de leur amour…

Apportant sa propre sensibilité et sa propre vision, Maurizia Rubino réinterprète avec virtuosité ce conte méconnu des Frères Grimm.

Son trait élégant et ses merveilleuses couleurs dont elle pare ses planches font la part belle à la pureté des émotions, distillant une once de poésie dans ce récit énigmatique et envoûtant.

Superbement édité, avec cette somptueuse maquette évoquant les recueils de contes d’antan, Lorinn & Lorrindell s’intègre à merveille dans cette enthousiasmante collection consacrée aux récits foisonnants d’inventivité collecté au XIXe siècle par Wilhelm et Jacob…

Relâche-la ! Ne lui fait pas de mal !
- Du mal ? Elle sera bien mieux sous ma protection. N’est-ce pas douce princesse ?dialogue entre Lorinndel et la sorcière