Mariée à un médecin londonien riche mais violent, Edith quitte le domicile conjugal et fait voile vers les lointaines Amériques pour commencer une nouvelle vie… Alors qu’elle travaille comme femme de chambre, elle tombe amoureuse de Hans, charpentier de formation, qui la convainc d’aller s’établir avec lui au Canada, dans sa région natale, sur les berges du Klondike, où ont été découverts plusieurs gisements d’or…
A Skagway, les amants croisent la route d’un ancien soldat qui venait de faire enregistrer une concession et installent un campement avec lui et deux autres hommes rencontrés lors du voyage… Venus d’horizons divers, ils vont apprendre à s’apprécier et à vivre ensemble et, si le travail est harassant, ils sont soudés et prêts à affronter l’hiver rigoureux qui s’annonce.
Mais l’isolement et l’avidité peuvent pousser les meilleurs hommes aux pires extrémités…
Plus connu dans le monde de l’animation (il a notamment travaillé comme animateur sur de nombreux long métrage de Disney des années 90 ou sur
un Monstre à Paris et scénarisé Croc-Blanc et réalisé le poétique
Kérity, la maison des contes), Dominique Monféry est encore peu connu des amateurs de bande-dessinée… Mais les choses devraient changer avec cet album somptueux et angoissant où il fait montre de ses talents de scénariste, de dialoguiste, de storyboarder, de dessinateur et de coloriste…
Comme bien souvent, la couverture accroche d’emblée notre regard avec ce personnage à contre-jour qui s’avance vers nous dans le soleil couchant, projetant une ombre menaçante sur le sol enneigé… La première planche donne quant à elle la mesure du talent de metteur en scène de l’artiste avec ses cadrages improbables et narrativement formidablement efficace, sans oublier la technique qu’il modifie subtilement pour renforcer son propos, avec ce lavis qui esquisse cette femme évanescente qui s’enfuit vers un ailleurs incertain…
En quelques cases, grâce à des récitatifs ciselés qui confèrent à l’ensemble une dimension éminemment littéraire, l’auteur nous présente le personnage principal et l’enchaînement des évènements qui ont conduit cette jeune londonienne à se retrouver à chercher de l’or aux abords du Klondike dans une petite communauté en apparence soudée…
Ces récitatifs viendront rythmer le récit, précisant les états d’âmes et les angoisses qui assaillent notre héroïne lorsqu’elle sera confronté à la bestialité des hommes et à des choix cornéliens où la morale doit parfois s’effacer devant la raison...
Superbement composées les planches de Dominique Monféry sont sublimée par une mise en couleur fascinante et glaçante qui vient souligner avec force l’atmosphère de chaque séquence avec des teintes quasi monochrome, tantôt sépias, tantôt dominée par des bleutées glaçants ou des rouges vifs lorsque la violence s’abat comme un orage et emporte tout sur son passage… Les dilemmes qui assaillent Edith sont ainsi formidablement mis en exergue par la couleur alors que la tension est subtilement accentuée par des cadrages aussi virtuoses qu’audacieux… témoin la scène où l’un des hommes abat froidement ses anciens compagnons dont le découpage inventif s’avère incroyable de dynamisme, suggérant avec force le rythme soutenu et la quasi simultanéité des actions…
La dernière partie s’avère particulièrement oppressante, alors que Hans et Edith tentent de rallier la civilisation avec un traîneau tracté par des chiens et tirant derrière eux le cercueil d’un de leur ami, poursuivis par une meute de loups affamés… Si leur arrivé au Canada évoque
la Ruée vers l’Or de Chaplin, auquel la première case de la page 10 semble clairement faire référence, cette poursuite impitoyable dans la forêt enneigée évoque immanquablement
Construire un feu, chef d’œuvre de Jack London, par ailleurs superbement adapté en BD par le grand Christophe Chabouté…
Si Dominique Monféry s’est fait un nom en tant qu’animateur, scénariste, storyboarder et réalisateur dans le monde de l’animation, signant notamment le poétique Kérity, la maison des contes, Mortel Imprévu le fera connaître des amateurs de bande-dessinée tant son travail s’avère en tous points remarquable…
C’est tout d’abord son sens du cadrage qui fascine le lecteur et ce dès la première planche… Ses compositions s’avèrent d’une implacable efficacité, renforçant, tout comme sa colorisation saisissante, la dramaturgie de chaque scène et retranscrivant avec force les états d’âme de chacun des protagonistes.
On suit l’itinéraire tortueux et tourmenté de la jeune Edith qui a quitté le confort de sa vie londonienne pour fuir un mari violent et commencer une nouvelle vie de l’autre côté de l’Atlantique. Accompagnant l’homme qu’elle aime, elle va échouer au bord du Klondike pour devenir orpailleuse. Mais l’arrivée de l’hiver allait libérer les ténèbres tapies dans le cœur des hommes…
Dessinateur virtuose, coloriste inspiré et scénariste talentueux, Dominique Monféry signe avec cet album un chef-d’œuvre somptueux, fascinant et glaçant…
Je connaissais la brutalité que pouvait porter un homme. Mais pour la première fois, elle me fit vraiment peur. Je ne pouvais croire que la fureur bestiale à laquelle je venais d’assister venait de Hans, l’homme que j’aimais.Edith