Bien sûr, il faut passer par-dessus un parti-pris bizarre : faire cohabiter Dickens et Asimov comme si c'était une évidence, situer l'action dans un 19e siècle rural et westernien, mais où l'on utilise couramment des hologrammes, des robots et de l'Internet, je trouve ça un peu choquant si l'on ne nous explique pas la raison de ce télescopage uchronique.
On ne nous l'a pas expliqué : c'est comme ça, tu l'acceptes ou tu t'en vas lire Dickens ou Asimov, mais séparément.
Bon, j'ai accepté très vite, pour deux raisons : un, le scénario, deux, le dessin. C'est donc bien d'une BD qu'il s'agit...
Comme dans "Gone with the wind" ou les sœurs Brontë, ou comme dans les grands romans de Dickens, le couple Beka brosse une vraie fresque humaniste contre l'esclavage et pour la promotion des minorités exploitées. Pour l'acceptation des différences. Il développe du coup un principe simple et fort : l'amour plus fort que tout. Avec le recours constant à "Cyrano de Bergerac", le chef-d’œuvre d'Edmond Rostand.
Ce qui donne lieu à des séquences chargées en émotions, et même limite mélodramatiques, un atout dans le cas présent. Ce qui donne aussi l'espoir d'en prendre plein le sentiment au cours des prochains volumes.
Plein les mirettes aussi. Je m'en suis pris plein les mirettes. Et je pense en prendre encore un paquet dans le futur, tant la puissance et l'élégance des cases de Munuera, appuyées par la mise en couleurs particulièrement saisissante de Sedyas, tantôt réaliste, tantôt poétique, m'a fait monter l'adrénaline du cœur jusqu'aux yeux. Avec des détails incroyables, des regards à vif, des attitudes (la nounou penchée), des décors et des objets d'une présence presque palpable. C'est d'une virtuosité sans répit, d'une force et d'une qualité de séduction qui m'ont fait planer très haut dans le bonheur de ma lecture.
Je ne vois pas quoi dire de plus : qu'est-ce que c'est beau !
par Numa Sadoul